THE BLUE ÖYSTER CULT : « THE BLUE ÖYSTER CULT ». 1972

 

Pour beaucoup, l’Angleterre, au début des années soixante dix, est la mère patrie des groupes de Hard Rock. Il est vrai que beaucoup de nos chevelus préférés viennent de l’île de sa très gracieuse majesté. Le Royaume Uni a donné naissance à tant de musiciens de Rock, et de Hard Rock, que l’on pourrait penser, qu’il est le seul et unique pourvoyeur de ce style musical, qui, bon an mal an, a su traverser les décennies, pour rester toujours aussi vivant en ce début de vingt-et-unième siècle. Certes, les principaux albums, les grands classiques sont hélas derrière nous, mais le miracle de la musique fait qu’à tout instant, en posant un vinyle sur une platine, où en introduisant un cd dans un lecteur, on peut à loisir se replonger avec délice et bonheur, à n’importe quelle époque révolue et lointaine, dans le plaisir de réécouter tel ou tel album, prenant toujours autant de joie, de retrouver un vieil ami que l’on n’a jamais totalement oublié. Mais voilà, l’Angleterre n’est pas la seule mère du Rock. À la même époque, de l’autre côté de l’Atlantique, dans ce que l’on a surnommé le nouveau monde, ce nouveau style musical faisait également son apparition, avec suffisamment de talent et d’adresse, pour pouvoir sans aucun problème rivaliser avec leurs cousins anglais. Ainsi, après s’être appelé « Stalk Forrest », puis « Soft White Underbelly », enregistrés deux albums qui n’ont jamais été commercialisés, The Blue Öyster Cult signe chez Columbia,

et enregistre un album qui va leur ouvrir les portes de la renommé, les propulser sur les marches de la célébrité, et ouvrir un débat sur le génie ou la banalité du groupe, au nom tellement bizarre. Deux réactions existent concernant la « Secte de l’Huitre Bleue », la première d’amour, envers un groupe novateur, fondamental, aux textes fortement axé science fiction, aux musiciens réellement doués, la seconde de rejet pur et simple, pour un groupe trop sophistiqué, trop cérébral, à la musique sur évaluée. Le temps a passé, et depuis de très nombreuses années, le BÖC a rallié les ennemis d’hier, et tous, sont prêt à jurer fidélité, reconnaissance et amour envers le groupe, dont la maison de disque Columbia, souhaitait faire à ses débuts, l’équivalent américain de Black Sabbath. Dès la parution de l’album, des détails interrogent, tout d’abord le nom du groupe, et l’aura mystérieuse qui l’accompagne, puis ce logo, que signifie t’il?

Même la pochette du disque est énigmatique, cet enfilade de pièces toutes similaires, avec une porte s’ouvrant sur une autre pièce totalement identique, et ce ciel étoilé. Tout semble participer à créer et à cultiver, une part d’ombre, d’inconnu, et tout ce qui n’est pas compris à tendance à faire peur, et prête à interrogation. On reprochera même au groupe de lorgner un peu trop vers l’idéologie nazie, ce qui est totalement faux, et un comble, sachant que la majorité des musiciens sont juifs. Le nom du groupe, vient d’un poème de Sandy Perlman, critique Rock, éminence grise, et membre occulte important dans la naissance du BÖC. C’est à lui que l’on doit les noms de scène des musiciens, même si seul Donald Roeser a conservé le sien « Buck Dharma ». Eric Bloom autre guitariste du groupe se souvient « …Sandy a créé BÖC, Il n’y aurait pas eu de groupe sans lui, il a tout assemblé, il était le mentor et le guide… »

À l’époque du premier album, le groupe se compose de Eric Bloom vocaux, guitares, claviers, Albert Bouchard batterie, vocaux, Joe Bouchard basse, vocaux, Allen Lanier guitare rythmique, claviers, Donald « Buck Dharma » Roeser guitare, vocaux. Au dos de la pochette du disque, une petite phrase de Roeser, « …Notre premier album pose les bases de ce que BÖC deviendra plus tard.. » Effectivement, ce premier disque installe les fondations de la maison BÖC, et même s’il n’est pas parfait et constant de bout en bout, il impose une image de marque forte, nouvelle, intellectuelle, puissante, ésotérique et sombre, avec sa musique Rock, psychédélique, à la lisière du Hard. L’ambiance BÖC arrive dès le premier morceau « Transmaniacon MC » qui frappe par une évidente similitude avec le Born To Be Wild de Steppenwolf, et qui nous ramène au festival d’Altamont le 6 décembre 1969, de triste mémoire, organisé par les Rolling Stones, durant lequel les Hell’s Angels qui assuraient la sécurité, assassinèrent Meredith Hunter, jeune noir de dix huit ans, qui avait dégainé un revolver, de plusieurs coups de couteau, devant des Stones ahuris qui, après un court arrêt, continuent malgré tout leur titre Under My Thumb et la suite de leur concert! C’est de cet « incident » que parle ce premier titre de BÖC.

Les guitares tranchantes forment un mur de son,

les chorus sont secs et incisifs, parsemés de grappes d’orgue, la voix d’Eric Bloom est parfaite, et la section rythmique bien carré soutient un édifice qui se dresse fièrement dans le firmament Cultien. Ça commence très fort, et je me dis que la ressemblance avec le titre de Steppenwolf est peut être purement assumée, comme un hommage à ce grand groupe dont le BÖC reprendra d’ailleurs, l’hymne « Born To Be Wild » durant de très nombreux concerts et sur des albums live. « I’m On The Lamb But I Ain’t No Sheep » cousin assez proche du futur « The Red & The Black » figurant sur l’album suivant, maintient la pression à un haut niveau, le morceau coule facilement sans heurt,

avec une facilité évidente, traversé par des guitares guerrières et féroces. Toute l’essence du BÖC est présent dans ce titre, dans ses ambiances, dans ses breaks, et ses ruptures. Aucun faux pas dans ces deux premières chansons.

(Photo by Jorgen Angel/Redferns)

Et ça ne va pas commencer avec le titre suivant, car là, on monte encore d’un cran, et on atteint le palier « chef d’œuvre. « Then Came The Last Days Of May » ballade mélancolique, sensuelle et délicate,

chantée par Buck Dharma, et ensoleillée par une guitare planante et légère, sur des paroles tranchantes et sombres comme un bistouri. Magnifique morceau. Nouveau sans faute. « Stairway To The Stars » nouveau titre, nouvelle tuerie. La guitare brille de mille feux et illumine le ciel de ce titre,

futur classique toujours joué par le groupe à l’heure actuelle. Riff imparable, mélodie évidente, le Hard se fait lumineux et jouissif. Recette gagnante identique pour « Before The Kiss, A Redcap », chanson la plus longue de l’album avec ses cinq minutes, entêtante, électrique, obsédante et hypnotique. Les guitares se croisent, et tissent leurs toiles.

Chaque chanson apporte sa pierre à l’élaboration du disque, dans un esprit, un style reconnaissable, propre au BÖC, mais travaillé différemment, afin de ne pas se ressembler, et de proposer un éventail le plus étendu possible des grandes possibilités, et qualités du groupe.

« Screams » calme le jeu, et amène un côté planant et psychédélique, on est en plein trip vaporeux et brumeux.

Un délicat chorus de guitare, vient déchirer le brouillard, et le voile brumeux qui enveloppent la chanson. « She’s As Beautiful As A Foot » conserve cet étrange voile, dissipant la réalité des choses, les déformants pour les faire apparaitre grotesques et bizarres.

Sur un tempo médium, le morceau semble s’étirer, se transformer, tourner sur lui même pour mieux se reconstruire, comme un morceau du début de carrière du Pink Floyd. Intéressant. « Cities On Flame With Rock And Roll » grand classique intemporel du BÖC, dont les riffs du début doivent beaucoup, il faut l’avouer à « The Wizard » de Black Sabbath. Le titre est imposant, agressif, félin,

il renferme toute la quintessence du BÖC, et trouvera son plein épanouissement, et une nouvelle dimension dans les versions en public, où il gagnera en puissance, en intensité et en folie. « Mon cœur est noir et mes lèvres sont froides, Villes incendiées par le Rock’n’Roll,, Trois mille guitares qui semblent pleurer, Mes oreilles vont fondre et puis mes yeux… »  Superbe chorus de guitare une fois de plus.

« Workshop Of The Telescopes » du BÖC pur jus, bien « barré », reconnaissable dès les premières notes, aux textes passablement abscons. Le groupe nous offre un voyage singulier, bien loin de notre conscience, un voyage autre part, dans une autre dimension, vers un ailleurs différent.

« …Par l’argentier imperatrix, dont l’œil incorruptible, Voit à travers les charmes des médecins et de leurs épouses, Debout pour acclamer Saturne, l’anneau et le ciel, Ils me connaissent par mon télescope noir… » Oups !!! Je n’ai pas du fumer ni boire ce qu’il faut pour bien comprendre ces paroles… Et voilà déjà le dernier morceau du disque « Redeemed », presque de la country, mais une country extra terrestre, une country qui viendrait d’une autre planète

avec en plus une note psychédélique, guitares aériennes, un petit côté banjo du meilleur effet, guitares électriques éthérées dialoguant librement, en somme une chanson presque joyeuse, un comble pour un groupe comme le Blue Öyster Cult.

De toute évidence, le groupe à toutes les cartes en main pour devenir énorme, d’excellents musiciens, de vrais talents d’auteurs compositeurs. Par contre à la différence de la quasi totalité de leurs collègues, aucun chanteur hurleur à la longue crinière blonde ondulée ou bouclée, ils n’en ont pas besoin, ils se suffisent à eux même. Sorti il y a maintenant quarante huit ans, l’album garde tout son charme, et l’on comprend aisément le succès qu’il a reçu lors de sa parution. Même si certains titres manquent encore de finesse, et mériteraient d’être plus élaborés, plus travaillés, on sent le groupe en pleine possession des atouts nécessaires pour évoluer, et prendre sa véritable place dans le monde de la Musique, et du Rock en particulier. Certains morceaux sont devenus des incontournables, « Cities on Flame with Rock and Roll », « Stairway to the Stars« , « Then Came the Last Days of May ». La tournée qui suit le disque est une vraie réussite, le groupe se présente en première partie d’Alice Cooper, des Byrds et du Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin.

C’est durant cette tournée, que le groupe compose les morceaux qui trouveront sur leur place sur le prochain album « Tyranny And Mutation » qui parait en 1973, et fera oublier, les quelques imperfections de ce premier disque, mais ça, c’est encore une autre histoire…

 

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