URIAH HEEP : « DEMONS AND WIZARDS ». 1972

Si je vous dis, Charles Aznavour Comme ils disent, Johnny Hallyday Comme si je devais mourir demain, Julien Clerc Ce n’est rien, Martin Circus Je m’éclate au Sénégal, mais également, Alice Cooper School’s Out, David Bowie Ziggy Stardust, Deep Purple Machine Head, Emerson Lake & Palmer Trilogy, Neil Young Harvest, Yes Close To The Edge, que me répondez vous? 1972 absolument. Encore une bien belle date pour le monde de la musique, et de superbes mélodies, qui ont chatouillé nos oreilles avec bonheur et délices, et qui, quelques quarante neuf années plus tard, continuent de nous éblouir, et de nous émerveiller. C’est également en mai 1972 qu’Uriah Heep réalise à quelques mois d’intervalles, deux albums primordiaux, restant aujourd’hui encore leur deux meilleurs disques. Le premier à paraitre s’intitule « Demons And Wizards » , c’est une pierre angulaire dans l’œuvre du groupe. Un album quasiment parfait, débordant de classiques, un « Look At Yourself » qui aurait gommé ses quelques petites fausses notes, et aurait gagné en ampleur, en stature, et en efficacité. On retrouve toujours, sur certains titres, mélangé au Hard Rock, un côté Progressif ou symphonique, sans toutefois pourvoir dire qu’Uriah Heep fait du Rock Progressif, non, il aime simplement teinter certains de ses morceaux d’une couleur particulière, très Fantasy ou Progressive, mais ça s’arrête là.

Pour preuve, simplement le titre de l’album, « Démons et Sorciers »Uriah Heep est un vrai groupe de Hard, tout simplement plus original que la plupart des autres. On note aussi, quelques petits changements au sein du groupe. En effet, exit Paul Newton et Ian Clarke, respectivement bassiste et batteur. À leur place, Lee Kerslake à la batterie, métronome humain précis et juste, qui restera dans le groupe jusque 2007, à la basse, deux musiciens, d’abord, présent seulement sur le premier morceau, Mark Clarke, ex Colosseum et Tempest, qui ne resta dans le groupe que le temps d’une tournée, et surtout l’excellent Gary Thain, au style très lyrique, et dont les lignes de basses aériennes font penser à John Entwhistle. Autre nouveauté pour le groupe, une pochette de disque réalisée par Roger Dean, qui, si on la regarde très attentivement, et avec beaucoup d’attention, laisse entrevoir un sexe masculin et un sexe féminin! Pour en revenir à proprement parler à l’album, en 1995, Ken Hensley disait « …Les gens me demandent souvent quel est mon disque préféré de Heep, et bien qu’il me soit très difficile d’en avoir un, « Demons and Wizards » tient une place à part à mes yeux. Ce fut une période de grande harmonie créative au sein du groupe, et présente de nombreux points musicaux très forts. Je me souviens de cette époque, et j’apprécie toujours d’écouter cet album, surtout la ré-édition, qui n’a rien perdu de l’ambiance originale… » En plus d’être leur meilleur album, il fera de Uriah Heep des Rock stars internationales, et deviendra une des meilleurs ventes de disques de l’année. On peut également ajouter que cette formation est largement considéré comme étant la meilleur du groupe.

Le 23 septembre 1995, après un concert en Allemagne, Mick Box expliquera « … C’était un album très important pour nous, car il nous a permis de jouer à travers le monde. Il nous a emmené dans quarante et un pays différents, et des chansons comme « Easy Livin » composée par Ken, ont eu un impact énorme, et nous ont été réclamé partout où nous nous produisions, depuis sa sortie. Cet album fut également notre première réelle visite dans le monde des textes Fantastiques, qui semblait captiver chacun. Nous avons senti, à la finalisation du disque, beaucoup d’excitation, et nous sentions que les choses allaient exploser pour nous de manière énorme. Ce qui s’est avéré exact, puisque nous avons tourné dans des endroits, dont nous avions seulement rêvés auparavant… » Penchons nous maintenant sur cet album, et voyons ce qu’il nous raconte. Dès le premier morceau, le ton est donné, il s’intitule « The Wizard » et débute par une très belle guitare acoustique, sur laquelle David Byron vient poser sa voix, avec un écho qui lui confère un côté assez fantastique. « Il était le sorcier d’un millier de rois, Et j’eus la chance de le croiser une nuit se promenant, Il me raconta des légendes et but mon vin, Mon compagnon magique et moi on se sentait bien, 

Il avait une cape cousu d’or et des yeux de braises, Et comme il parlait je senti un profond désir, De libérer le monde de ses peurs et ses douleurs, Et d’aider les gens à se sentir libre à nouveau, Pourquoi n’écoutons nous pas les voix dans nos cœurs ? Parce que maintenant je sais que nous verrions que nous ne sommes pas si seul, 

Tout le monde se doit d’être heureux, chacun devrait chanter, Pour que nous connaissions la joie de vivre, la paix que l’amour peut apporter, Ainsi parla le sorcier dans sa demeure montagnarde, La vision de sa sagesse signifiant que nous ne serions plus jamais seul, Et je rêverais de ma nuit magique Et un million d’étoiles d’argent me guideront de leurs lumière. » Le groupe rentre ensuite, et la chanson se déroule, avec une montée douce en puissance. Chœurs aiguës, très bien placés, tout au long du morceau, mélodie imparable, montée graduellement en puissance, et aucun chorus, rien ne doit sortir du cadre, aucune mise en avant. Très beau titre. « Traveller In Time » nous entraine dans un Hard Rock effréné, dans le plus pur style Uriah Heep, mélangeant à la fois le Rock Heavy et un style très mélodique, de la plus réussi des manières. « Tous les jours je dois regarder le soleil, Pour voir d’où je viens, J’ai le sentiment que, Il y a un temps, Quand j’aurai la chance de rentrer à la maison, Parce que je suis si fatigué, D’être tout seul ici, Mais je suis un voyageur du temps, Essayant difficilement de payer pour mes crimes… » Une fois de plus orgue et guitare se disputent la clé de voute du morceau. De jolis changement de tempo ponctuent le morceau,

et le font rebondir tel un destrier sautant des obstacles. La batterie de Lee Kerslake assure un beau travail sur la chanson, et ne fait aucunement regretter l’ancien batteur. « Easy Livin » certainement la chanson la plus connue du groupe. Une image de marque. À tel point que lorsque Ken Hensley rejoint Blackfoot en 1983, le groupe inclut « Easy Livin » à ses concerts!!! Ce titre est une locomotive lancée à toute vapeur, qui déchaine l’enfer sous ses roues.

(Photo by Michael Putland/Getty Images)

C’est également la chanson la plus courte, deux minutes trente huit, c’est bien dommage. L’orgue est impérial, et soutient tout le morceau,

tandis que Gary Thain, nous montre ses talents de bassiste. Aucun chorus une fois de plus, chacun travaille pour la communauté, pour la cohésion du titre, pour sa force et sa puissance. « Poet’s Justice » débute avec fantastiques chœurs aériens, doublés, triplés, des rythmes et des descentes de batterie. Le morceau se développe loin du thème introductif, avec noblesse et poésie.

La guitare se double pour le chorus, accompagnant l’orgue dans sa course. « Vents froids, et ciels nuageux, Devinrent des douceurs dans ses yeux, Fantaisies que j’ai réalisé, Prirent vie à ma grande surprise… Brille difficilement lune d’Octobre, L’aigle m’emmène à elle bientôt, Cours vite courant d’argent, Trouve mon amour où laisse moi rêver… » « Circle Of Hands » et sa ligne d’orgue, plus qu’inspirée par King Crimson et son « In The Court Of The Crimson King » est un magnifique titre, superbement chanté par Byron, la Fantasy n’est pas loin, nous sommes à l’orée d’une forêt enchantée. Thain nous délivre une belle ligne de basse, tout en finesse.

Une guitare doublée de nouveau nous offre son chorus. « Cercle de mains, Plan des esprits froids, Cherche ma terre pour un ennemi, Passant au-delà du doux prix de l’amour, Et dans le visage de la beauté, Le mal était perdu, Ciel rempli de regards, esprits pleins de mensonges, Noir de leurs cœur froids, allongés dans leurs tombes, Massacrant l’aube, répandant leur mépris, Maudissant le soleil de l’amour dont il est né…Aujourd’hui n’est que l’Hier de Demain… » Ken Hensley déclara, que ce titre leur avait été inspiré par le « Starship Troopers » de Yes. « Rainbow Demon » est beaucoup plus sombre, nous sommes de l’autre côté du miroir. Un monde de désolation, et de sorcelleries.

« Ici chevauche le Démon Arc-en-ciel, Sur son cheval de feu écarlate, Des ombres noires le suivent de près, Sur les talons de son désir, Chevauchant dans la brume matinale,

 Personne n’ose se dresser sur son chemin, Possédé par quelque appel lointain, Chevauchant au travers du jour et de la nuit, Démon Arc-en-ciel – prend ton coeur et cours, Démon Arc-en-ciel – Vis par son épée et son pistolet… »  La chanson baigne dans un esprit plus proche de Black Sabbath, même le chorus de guitare est moins volubile, plus affecté, presque malade. « All My Life » est un Rock beaucoup plus traditionnel,

avec un Byron se promenant dans les aiguës, pas de tiroirs dans ce titre, mais une belle guitare slide, qui illumine le paysage. Le morceau est plus sage, mais reste totalement dans l’esprit d’Uriah Heep, avec tous les stéréotypes du groupe. « Paradise /The Spell » les deux morceaux se suivent, mais en plus ils s’enchainent pour ne plus en former qu’un. C’est une guitare acoustique qui introduit la chanson, une ballade éthérée, comme suspendue entre ciel et terre.

La mélodie est vaporeuse et légère, la voix de Byron, est rêveuse et tendre, toute en retenue. Une sorte de monté en tension se fait sentir plus on s’approche du final, et cette tension se concrétise avec le début du second titre. Un tempo Rock, presque solaire, rompant avec le premier thème acoustique.

Un break de piano introduit une guitare en larmes, pleurant sa mélodie et sa tristesse. Les chœurs l’accompagnent, et fleurissent tout le fond du titre. Un second break de piano, et c’est Byron qui revient. L’ambiance de la chanson est superbe, et cette voix presque hypnotique est fascinante. Le groupe finit l’album en beauté grâce à ce long morceau/double, qui résume bien à lui tout seul la magie d’Uriah Heep. Voilà un album totalement réussi, de A jusqu’à Z.

Aucune erreur, aucune faute ne vient noircir le ciel de ce disque, tout y est léché, travaillé, pensé, en un mot magique. Le groupe tient une très grande forme, et donne une remarquable prestation. Le comble est que quelques mois plus tard, toujours en 1972, Uriah Heep va nous pondre un nouvel album, encore plus subtil, plus fouillé, peut être encore un poil supérieur à « Demons And Wizards ». Oui, décidemment, 1972 est une très grande année pour Uriah Heep, une année miraculeuse!!! Et ça c’est une histoire que je vais très bientôt vous raconter…

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One thought on “URIAH HEEP : « DEMONS AND WIZARDS ». 1972

  1. yves detournay dit :

    Tout juste ; mon album préféré.

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