THE MOTHERS OF INVENTION : « FILLMORE EAST JUNE 1971 »

Après deux années de tournées épuisantes en 1968 et 69, les MOTHERS OF INVENTION sont à plat, plus de jus, plus de ressort.

Pour Maître FRANK ZAPPA, cela devient évident, il doit spliter le groupe, et repartir sur de nouvelles bases, changer son image de marque, sans pour autant décevoir ses fans de la première heure, mais en essayant de capter une audience plus large. Surtout, il cherche des musiciens suffisamment doués pour pouvoir jouer la musique qu’il a dans la tête, et qu’il retranscrit sur des partitions.

Après la sortie du nouvel et fantastique album « Hot Rats », bien reçu par le public et les critiques, son projet de film bien avancé « 200 Motels » il peut se mettre en quête de nouvelles Mamans. AYNSLEY DUNBAR fabuleux batteur qu’il a rencontré au Festival d’Amougies,

en France, où il jouait avec son propre groupe « AYNSLEY DUNBAR’s Retaliation », deux chanteurs showmen accomplis HOWARD KAYLAN et MARK VOLMAN, rebaptisés FLO et EDDIE,  qui connurent leur heure de gloire en 1967,
avec les « Turtles » et leur célèbre « Happy Together », détrônant les Beatles à la première place du Hit-Parade anglais. Pour le reste, des pointures, JIM PONSIAN UNDERWOODDON PRESTON.
Mais un autre évènement monopolise toute l’attention de ZAPPA. Sa rencontre avec le chef d’orchestre Zubin Metha lui ouvre de nouveaux horizons. Ensemble ils vont donner un concert avec l’Orchestre Philarmonique de Los Angeles, pour le Festival de Musique Contemporaine, au Pauley Pavillion de l’UCLA. Ce concert évènement sera salué par la presse, et les retombées permettront à FZ de réaliser son film. Ensuite, revient le temps des tournées, les MOTHERS prêtes, un nouvel album, l’excellent « Chunga’s Revenge »
sorti en avant première de « 200 Motels », tout est en place pour tourner et démontrer la cohésion du nouveau groupe. À la mi-1971, ZAPPA prépare une série de concert pour la fermeture du mythique Fillmore East de Bill Graham. On pourra même y voir John Lennon et Yoko Ono monter sur scène pour jouer avec les MOTHERS devant un parterre médusé… Très rapidement un album live est disponible chez tous les disquaires, THE MOTHERS : « FILLMORE EAST. JUNE 1971 ». Premier album live de ZAPPA.
La pochette ressemble à un disque pirate, blanche, et une écriture au stylo noir. Plutôt mal enregistré, il marque l’avènement de FLO & EDDIE dans le nouveau concept de ZAPPA. Un théâtre musical bouillonnant, loufoque, salace, où plaisir est le maître mot. Plaisir de jouer, plaisir de s’amuser, plaisir de prendre du plaisir. Les deux ex-Turtles s’en donnent à cœur joie, et dialogues sans aucun tabou sur les stars, les groupies et leurs turpitudes sexuelles,
sans oublier quelques soucis « hémorroïdaires » du meilleur gout, soutenus par les musiciens qui s’amusent comme des fous aux blagues des deux chanteurs, et parviennent tous les soirs à faire danser le public sur des thèmes différents. Ce soir là, c’était le « Mud Shark Dance »FLO joue une groupie, qui cherche un musicien EDDIE ayant un tube dans les charts, mais qui possède surtout une bite monstrueuse !!!  Poésie, sobriété et délicatesse quand tu nous tiens…

J’ai toujours adoré cet album, la bonne humeur qu’il contient, l’histoire complétement dingue et déjantée qui y est racontée, les interventions des musiciens, et bien sur, toutes les parties musicales. Ce disque m’a toujours donné la patate !!! Et ça commence dès le premier titre, « LITTLE HOUSE I USED TO LIVE IN », avec une mise en place en
tout point remarquable, et un son bien rock. ZAPPA présente le show de ce soir, il sera placé sous le signe du « MUD SHARK », le requin boue, et son appel pour l’accouplement.
Chaque soir durant la tournée, ZAPPPA selon son humeur, selon les grosse vannes des musiciens, trouve un thème différent.
Ce soir là le thème est « MUD SHARK » et le public à le devoir de faire la danse du requin boue. Et ZAPPA d’expliquer l’origine du « MUD SHARK », « un motel à Seattle appelé le Edgewater Inn, construit sur une jetée, ce qui fait que par la fenêtre vous voyez la baie, à la place d’un terrain vague. Mais le plus intéressant, c’est que dans le hall du motel, il y a une boutique de cannes à pêche. Vous en achetez une, vous remontez dans votre chambre, ouvrez la fenêtre, et au bout de cinq minutes vous avez attrapé un poisson quelconque que vous emportez dans votre chambre pour en faire ce que vous voulez. Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a des tas d’espèces de poissons différentes là-bas. Non seulement le Mud Shark, mais aussi des pieuvres. Imaginez que vous êtes un groupe de rock nommé Vanilla Fudge, et que vous arriviez à cet Edgewater Inn, avec une caméra 8 mm et assez d’argent pour vous payer une canne à pêche, Ce qui rend la chose plus intéressante encore, une succulente jeune dame dotée d’un ,goût pour le bizarre, (Les chœurs derrière: Mud, d, d, d, Shark, sh, sh, sh, shark). C’est l’histoire que les Vanilla Fudge ont raconté à Don Preston à l’aéroport de Chicago un jour ». MARK et HOWARD s’en donnent à coeur joie, avec des plaisanteries très orientées sexe, et les groupies qui tournent autour des musiciens.  Sur un tempo bluesy, le show continue, mené d’une main sure par ZAPPA« Que fait une fille comme toi dans cet endroit? Moi et mes amies, on est venues baiser. Vous êtes au bon endroit. C’est ici, l’endroit le plus swingant de New York. »
« WHAT KIND OF GIRL DO YOU THINK WE ARE »  nous présente une groupie et ses amies à la recherche d’un musicien pour
prendre du bon temps, à la seule condition qu’il air une chanson dans les hits, et une bite monstrueuse. « BWANA DICK » continue l’histoire, EDDIE expliquant à la groupie que le musicien qu’ils connaissent,
possède une bite énorme, un monstre, un tigre, et que justement c’est lui.  « My dick is a monster, give me your heart ».

(Photo by Gijsbert Hanekroot/Redferns)

« LATEX SOLAR BEEF » et son problème d’hémorroïdes.
C’est certain, avec ce disque on nage en pleine poésie. Une énorme version de « WILLIE THE PIMP » vient mettre les pendules à l’heure, les MOTHERS sont de fameux musiciens, personne n’en a jamais
douté. La version est très rock, bien lourde, et ponctué d’un Zappesque chorus de guitare du Maître, que du bonheur. « DO YOU LIKE MY NEW CAR » marque le retour de notre amie la groupie, qui nous explique ses gouts musicaux, et montre sa nouvelle voiture une « Fillmore », ponctuant son propos d’un rot bien sonore du meilleur effet.
Le dialogue se poursuit. La groupie explique qu’elle et ses copines ne son pas des groupies, pour preuve Roger Daltrey (chanteur des Who) n’a jamais posé les mains sur elle.
Après plus de sept minutes, le musicien s’adresse à la groupie et lui dit ces quelques mots emplis de charme . « Penche toi, et mouille moi, voilà mon hit et mes ronds rouges » et le groupe d’enchainer avec le classique des Turtles « HAPPY TOGETHER » classique parmi les classiques, trois minutes de plaisir nostalgique.
Les derniers morceaux sont uniquement musicaux, « LONESOME ELECTRIC TURKEY » peut être considéré comme un titre de jazz rock. Le moog de DON PRESTON donne le premier chorus,
la batterie de DUNBAR est fantastique, il assure un boulot remarquable avec ZAPPA, qui le gardera des années auprès de lui. Le morceau se calme et nous donne droits des vocalises de MARK et HOWARD« PEACHES AND REGALIA » classique de ZAPPA,
toujours dans le même esprit fusion, nous comble de joie.
Les musiciens sont vraiment au top, ça s’amuse, et ça joue bien. Que du bonheur. « TEARS BEGAN TO FALL » est très sautillant, comme une coupe de champagne d’où s’échapperait des milliers de bulles. Le morceau est très joyeux et hélas clôture l’album bien trop tôt.
Il s’échappe un tel plaisir de jouer, qu’on en voudrait encore. On sent ZAPPA heureux, ses musiciens lui permettent une liberté totale.
Ils peuvent tout assurer. Quelques soit ses délires, ils sont capable de le suivre sans aucun problème. Les harmonies vocales de MARK et HOWARD sont parfaites, et ils peuvent tout se permettre. ZAPPA peut écrire ce qu’il veut, ils balancent tout avec une aisance et un naturel sidérant, ils ne s’interdisent strictement rien. La cohésion entre chaque membre des MOTHERS est totale. Et puis nous sommes en 1971, époque de liberté, de changement, de renouveau, du tout est possible.
Il est vrai que les fans de la première heure sont un peu désarçonnés, et ne comprennent pas où ZAPPA veut en venir, ils ont du mal avec ce nouveau style, et de leur propre aveux ont tendance à s’ennuyer. Pour les autres, ces MOTHERS OF INVENTION introduisent les années 70 de la meilleure des manières, rock, folle, graveleuse, jazzy, dansante, joyeuse, féroce mais au combien jouissive. Il est à noter que par moments, des accents Zeuhliens se font entendre… Mais ça, c’est déjà une autre histoire…
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