THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE : « LIVE AT BERKELEY ». Saturday May 30,1970.

Le « Band Of Gypsys » fut une création éphémère, né en 1969, il s’éteint en 1970. Cette association avec Buddy Miles et Billy Cox fait pourtant des merveilles, comme on peut le constater sur le superbe album live qui porte ce nom, enregistré durant les quatre concerts donnés par le groupe entre le 31 décembre 1969 et le 1er janvier 1970 au Fillmore East New York de Bill Graham.

Un concert en milieu d’après midi et un concert en soirée chaque jour. Ce sera le dernier disque publié du son de JIMI. Bien des années plus tard, en 1999, un double album voit le jour, intitulé « Live at Fillmore », il nous offre beaucoup plus de matériels, donc beaucoup plus de plaisir, nous permettant surtout de

découvrir le groupe reprenant des anciens titres de l’Experience, avec une coloration totalement différente. En 2020, c’est tout un coffret qui nous est proposé, regroupant les quatre concerts du « Band of Gypsys » entièrement remastérisés, véritables trésors sonores, jouissifs et magiques, « Hendrix Songs For Groovy Children The Fillmore East Concerts « .

La musique du groupe se démarque radicalement du Blues psychédélique engendré par l’Experience. Comme je vous l’avais expliqué dans un article concernant l’album « Band Of Gypsys »Hendrix est arrivé à un stade de sa vie où il n’a jamais mieux maîtrisé sa guitare, son jeu est simplement exceptionnel. Avec Buddy Miles, et son groove monstrueux, il gagne un jeu de batterie qu’il n’a jamais connu avant. Miles est une machine à swinger, gardant le tempo inlassablement, sa frappe est forte, régulière, il est le fidèle soutient des forces de la Terre nourricière. Pas de fioritures avec lui,

il suit les lignes de basse de Billy Cox, en une section rhythmique solide et diabolique, qui va permettre à Hendrix de s’envoler vers de nouveaux territoires qu’il n’a jamais explorer. Avec une assise aussi ancrée au sol, Hendrix peut s’envoler aussi loin qu’il le veut, aussi longtemps qu’il le souhaite, dans n’importe qu’elle direction, il sait pertinemment qu’il lui suffit d’écouter ses deux compères, pour revenir en droite ligne sur le thème, pour mieux redécoller de nouveau. La musique est plus simple, plus carré, plus efficace, plus noire, 

Jimi n’a qu’à se laisser porter pour s’élancer vers l’infini. Il nous offre des chorus hallucinants comme jamais, dans un incroyable feu d’artifices de couleurs. Jimi est le premier musicien à avoir explosé les barrières de genre établis par le Blues ou le Rock pour les transcender vers un nouveau langage musical. Pourtant Hendrix n’est convaincu ni par les concerts, ni par l’album, il dira: « …Je n’étais pas trop satisfait de l’album  « Band Of Gypsys ». Si ça n’avait tenu qu’à moi, je ne l’aurais jamais sorti… » La parution de l’album voit critiques et public partagés en deux.

D’une part ceux qui trouvent que le disque est décevant, qu’il marque un recul créatif par rapport aux albums de l’Experience, se tournant trop vers une sorte de  Rhythm’n’Blues, et pire que l’album n’aurait jamais du voir le jour, et ceux qui au contraire voit en ce live, le fondement de nouveaux courants musicaux qui apparaissent en cette année 1970, le Funk, et surtout le Jazz Rock, avec les « enfants » de Miles Davis. Miles qui dira dans son autobiographie que le  « Band Of Gypsys » était le groupe d’Hendrix qu’il préférait.

Nous sommes le 28 janvier 1970, le groupe donne un concert gratuit au Madison Square Garden, afin de soutenir les opposants à la guerre du Vietnam. Les trois musiciens montent sur scène vers trois heures du matin, et dès le début du show, on se rend compte qu’Hendrix n’est pas dans un état normal. Les deux premiers morceaux « Who Knows » et « Earth Blues » sont très mal interprétés, Hendrix invective le public, arrête de jouer en plein milieu du second titre, et s’adressant à la foule lance « C’est ce qui arrive lorsque la Terre baise avec l’Espace, n’oubliez jamais ça. Voilà ce qui arrive ! »

Malgré les tentatives de conciliation de Buddy Miles, assurant la reprise du concert rapidement,  Hendrix débranche sa guitare et sort de scène, laissant Miles à de vaines explications avec le public. Plusieurs explications furent avancées pour expliquer ce fiasco, Buddy Miles selon Mike Jeffery le manager, aurait donné à Hendrix une dose de LSD, l’empêchant ainsi de jouer. L’autre explication, la petite amie de Jimi lui aurait donné avant de monter sur scène. Personne ne connait encore aujourd’hui, la raison véritable qui a conduit à l’arrêt du concert, et du coup, à la fin du « Band Of Gypsys ».

Jeffery par contre en profita pour virer Buddy Miles. Son désir secret, que Jimi reforme l’Experience, tout en gardant Billy Cox, Jimi ne supportant plus Noël Redding. Et c’est précisément ce qui va arriver. Cette digression terminée revenons à notre histoire. Jimi se retrouvant sans batteur, il demande à Mitch Mitchell de rejoindre le groupe, qui reprend le nom de « The Jimi Hendrix Experience ». Après un passage en studio afin d’enregistrer de nouveaux morceaux, en vue de la préparation d’un nouveau double album appelé provisoirement « First Rays Of The New Rising Sun », une nouvelle tournée reprend, à un rythme moins fou que les précédentes, le « Cry Of Love Tour ».

Le 25 avril 1970, l’Experience donne un concert au Los Angeles Forum. Les shows se passent très bien, et sont d’excellentes qualités. Après ces périodes de folie,  Hendrix se sent mieux, son désir créatif est revenu, et la préparation du quatrième album se déroule parfaitement bien. Le 30 mai, l’Experience s’arrête au Berkeley Community Theatre, pour deux concerts, à 19 heures et à 22 heures. La décision des concerts de Berkeley vient de Michael Jeffery, le manager. Une idée lui trotte dans la tête. Pour maintenir au zénith la renommée de Jimi, et générer des entrées d’argent, Jeffery veut que l’on tourne un film pendant le concert. Il a vu les bienfaits des retombées du film « Woodstock » à travers le monde, et ça lui a donné des idées.

Les billets pour les deux concerts se vendent très rapidement, et la demande est bien supérieure à l’offre proposée. Le soir des shows, plus d’un millier de fans sans billets s’amassent devant le Community Center, la tension monte rapidement entre les fans qui attendent d’entrer dans la salle, les frustrés sans billets, la sécurité et la police locale. La porte d’entrée est détruite, certains escaladent le mur du bâtiment, d’autres essaient de passer par le toit et de le défoncer. Puis les « sans billet » se mettent à jeter des cailloux vers ceux qui commencent à rentrer. Jimi et le groupe ne sont absolument pas au courant de ce qui se passe au dehors.

Puis c’est le début du concert, Jimi s’approche du micro et demande à la foule des spectateurs « D’oublier hier et demain, et de ne penser qu’au monde ce soir ».

L’album reprend l’intégralité du second Set. Derrière la caméra, Peter Pilafian tourne, et ne perd pas une miette du spectacle. Hendrix commence par présenter ses deux compagnons de jeu, avant de lancer une petite jam histoire de bien s’accorder, et de voir si tout fonctionne correctement. « Pass It On (Straight Ahead) ».

Le groupe est bien en place, et c’est avec plaisir que l’on retrouve le jeu mouvant, subtil et aérien de Mitch Mitchell.

La guitare est splendide, inspirée, et chante divinement bien. Le premier chorus est magnifique. On sent  Hendrix en forme, prêt à se donner à sa musique et à son public. « Hey Baby (The New Rising Sun) » un nouveau titre,

introduit par la guitare de Jimi dans un style hispanisant, le morceau s’installe petit à petit, tout en retenue, en douceur, enchainé rapidement à un « Lover Man » filant au grand galop,

déployant mille feux. Le pied de micro frottant la guitare, tout est dit en moins de trois minutes. Imparable. Le soutien régulier de la basse de Cox, permet à Jimi de garder une base sur terre. « Stone Free » 

première chanson composé par Hendrix pour l’Experience,

déboule, la guitare fuse, des notes de feu partent du manche et vont s’envoler vers le plafond de la salle. C’est un volcan en ébullition qui crache sa musique. « Hey Joe » sur un tempo un peu plus lent que d’ordinaire,

est traversé par des interférences, sans que cela perturbe le groupe, la ligne de basse est bien tendue, et Jimi s’en donne à cœur joie pour triturer ses cordes, leurs arrachant des cris d’amour. « I Don’t Live Today » et son introduction de batterie tel un tambour d’Indiens sur le sentier de la guerre.

J’adore ce titre, il a des trémolos dans la guitare, elle pleure sur le sort des Indiens d’Amérique, elle se souvient du temps où les bisons galopaient dans les plaines du Grand Manitou.

J’ai une légère préférence pour la version du Sport Arena, San Diego, CA du 24 mai 1969, mais rassurez-vous, celle de Berkeley est parfaite. « Machine Gun » avec Mitch aux baguettes, révèle une couleur,

une fragrance différente de celle du Band Of Gypsys, moins millimétré, moins carrée. Elle en devient presque fuyante, ballottée par les éléments. Elle perd son côté militaire, au profit d’un accent un peu jazzy. Impressionnant. « Foxey Lady » transperce la moiteur du morceau précédent,

éblouissant l’atmosphère de notes désaccordées que Jimi règle rapidement, laissant à Billy et Mitch le soin d’assurer à deux quelques instants, avant de revenir dans la course, pour mieux emballer le morceau. Jusqu’au final qui voit les cordes agoniser.

« Star Spangled Banner » petit clin d’œil à Woodstock,

sur l’hymne américain, les bombes volent et explosent dans un fracas de tonnerre. « Purple Haze » vibrant et lumineux,

toujours aussi fantastique, emporte tout sur sa route, vague gigantesque déferlant sur la rive. Classique parmi les classiques, indémodable car hors mode, ce titre est éternel. « Voodoo Child » (Slight Return) un des plus fameux morceaux d’Hendrix, repris par tant de guitaristes qui viennent s’y casser les dents.

S’il devait n’en rester qu’un ce serait peut être celui-là. Impossible d’y échapper, c’est LE morceau qui tue. Celui qui vient directement des étoiles, d’une autre galaxie, bien loin de la Terre, et qui pourtant parle une langue universelle, compris de tous et de toutes.

Un morceau qui vous prend par la main et vous entraîne hors des sentiers battus, sur des chemins inconnus qui vous inondent de couleurs, de sensations, de bien être. Le Paradis peut être. Qui sait.  Dernier morceau de l’album, « Voodoo Child » referme la porte que l’on avait ouverte avec « Pass It On ». Le bonheur c’est de pouvoir réécouter cet album quand on le désire, plonger de nouveau dans ce passé déjà lointain et pourtant si près de nous. Pour financer le studio d’enregistrement qu’il vient d’ouvrir, Hendrix accepte une nouvelle tournée. Le groupe passe par le Festival de Wight le 30 août et y donne un concert « apocalyptique », bizarre, vibrant, à l’orée des ténèbres, un concert aux accents de tragédie, Hendrix est excessivement fatigué, ça se sent durant le show. Plus tard, Mitch Mitchell avouera, « …Le feeling n’était pas au rendez-vous… »

Deux concerts de cette courte tournée sont excellents. Celui de Gothenburg du 1er septembre et de Copenhage le 3. Le 2 septembre durant un concert à Arhus au Danemark,  Hendrix sort de scène après quelques morceaux, déprimé, épuisé, pour tenir, il consomme beaucoup de drogues. Il déclare dans une interview « … Je ne sais pas si j’atteindrais 28 ans… » Le 6 septembre 1970, l’Experience donne un concert à Fehmarm, en Allemagne, dans le cadre du « Love and Peace Festival », ce sera le tout dernier concert de l’Experience et de Jimi Hendrix.  De retour à Londres, le 16 septembre, Hendrix rejoint le groupe d’Eric Burdon, « War », sur la scène du Ronnie Scott’s et y joue deux morceaux.

Il est retrouvé mort au Samarkand Hôtel le 18 septembre 1970, étouffé par son propre vomi, suite à une prise trop importante de barbituriques, mélangé à de l’alcool. Cette thèse est encore aujourd’hui très controversée.

Il est enterré à Seattle, sa ville natale, le 1er octobre 1970. Il avait 27 ans. En quatre ans, Jimi Hendrix a donné 527 concerts et réalisé quatre albums.

 

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