STREETWALKERS : « VICIOUS BUT FAIR ». 1977.

En août 2014, je vous racontai l’histoire de Streetwalkers, groupe anglais, né des cendres de Family, en 1974, possédant en son sein, l’un des meilleurs chanteurs de l’histoire du Rock, Roger Chapman. Une voix inoubliable, entre le Peter Gabriel du début de Genesis, et Joe Cocker, mais passés en plus à la pierre ponce, donc, encore plus rocailleuse, avec un trémolo qui n’appartient qu’à lui. Quand Family se sépare,

le chanteur Roger Chapman et John « Charlie » Whitney  le guitariste, fondent Streetwalkers. Ils entrainent dans leur sillage l’ancien membre du Jeff Beck Group, Bob Tench, guitare et claviers, le futur batteur d’Iron Maiden, Nicko McBrain, ainsi que Jon Plotel à la basse. Leur premier album sort la même année, « Chapman-Whitney Streetwalkers », le groupe ne s’appelle pas encore Streetwalkers, ici c’est simplement le nom de l’album. C’est en 1975, pour l’album suivant « Downtown Flyers » que le groupe prend son nom définitif. Très beau disque, mélangeant Rock Blues et Soul Music. Le succès est au rendez vous, les concerts se succèdent et le groupe remplit les salles. « Red Card » parait l’année suivante, gavé de Rock Funky, le groove est imparable. En 1977, « Vicious But Fair » est disponible chez tous les bons disquaires,

la formule est la même, un remarquable mélange de Rock, de Blues, de Soul, le tout, saupoudré de Funk. Un seul problème gâche les ventes du disque, l’Angleterre est traversée d’un ouragan qui ravage tout sur son passage, il se nomme le Punk, et dans son sillage, la New Wave. De très nombreux groupes ne se relèveront pas de ce ras de marée, et pour Streetwalkers, c’est le glas qui sonne. Petit à petit, le public se détourne des groupes traditionnels, pour se diriger vers les nouvelles musiques qui déferlent sur le monde du Rock. Le groupe n’y survivra pas. La maison de disque sortira cette même année 1977 un double album live, sobrement intitulé, « Streetwalkers Live ». Le groupe est mort, chaque musicien part de son côté pour de nouvelles aventures. Mais revenons à cet album de 1977, dernier disque de Streetwalkers.

Le groupe recrute de nouveaux musiciens. Pour les claviers Brian Johnstone, ce qui permet à Bob Tench et à Charlie Whitney de ne jouer que de la guitare. À la basse Michael Feat, et pour remplacer Nicko à la batterie, David Dowle. Le groupe est au complet pour l’enregistrement. L’album est moins bien accueilli que les disques précédents. Punk oblige. La voix de Chapman est toujours aussi exceptionnelle, quel fabuleux chanteur, derrière lui, les musiciens assurent un super boulot, mais il est vrai que l’originalité du groupe tient avant tout de la voix de Chapman. Malgré ses qualités, et quelques faiblesses, l’album n’est pas un grand succès. Le Punk s’accaparant les meilleures ventes de disques. Les magazines musicaux rechignent à parler d’autre chose que du Punk, qui s’étale à la une dans tous les kiosques. Les groupes traditionnels, comme Streetwalkers sont des anachronismes en cette période. La musique trop belle, les paroles trop bien écrites, de trop bons musiciens, ça n’était plus dans la logique musicale de cette fin des seventies.

(Photo by Michael Putland/Getty Images)

N’étant heureusement pas fan de Punk, ni de New Wave, j’ai adoré cet album de Streetwalkers dès sa sortie, comme j’avais adoré les précédents. En le réécoutant aujourd’hui, le plaisir est toujours présent, les qualités sont toujours au rendez vous, je le trouve même meilleur que dans mes souvenirs, quarante trois ans après sa sortie, il garde cette force, ce feeling, ce groove inimitable, qui donne envie de l’aimer, et de le réécouter. Même s’il n’est pas le meilleur de Streetwalkers, il contient quelques pépites, comme le groupe savait en composer. Ça commence très fort, avec des riffs imparables « Mama Was Mad », un Rock qui danse le Funk sur un tempo médium, une guitare qui se fait rauque sur un rythme bien chaloupé.

L’association de la Musique Rock à la musique Black est géniale. Le titre se termine sur un chorus de piano.

« Chili Con Carne » reste dans un registre similaire, bien que plus rapide. Premier single de l’album, « CCC » est représentatif du groupe, mélange de plusieurs styles musicaux, il explose les frontières du Rock.

Le saxophone est tenu par Mel Collins, un ami du groupe dont on trouve le nom sur une multitudes d’albums plus importants les uns que les autres, King Crimson, Camel, Alan Parson Project, Judy Garland, Shirley Bassey, Bad Company, Eric Clapton, Dire Straits, Bryan Ferry, Rolling Stones, Alexis Korner, Alvin Lee, David Byron, Humble PieUriah HeepPeter TownshendAlain BashungPhil LynottTina Turner, pour les plus connus, et tellement d’autres que ce serait trop long de tous les nommer. « CCC » est un titre original et sympa, on se prend pas la tête. « Dice Man » devenu un classique du groupe, magnifique entrée de voix de Chapman sur un lit de cordes du meilleur effet. L’ambiance feutré et mouvante à la fois,

change selon les différents tempos. Le solo de guitare tout en retenue est sobre et réfléchi, pas de tape à l’œil ici. Mais la voix, la voix est extraordinaire, crachant le Blues et la Soul comme personne.

Le travail entre le groupe et les cordes est parfait, ni trop, ni trop peu, juste comme il faut. En concert ce titre de plus de neuf minutes était considérablement étiré, et laissait à chacun le soin de s’exprimer à sa guise. Très beau titre, certainement « LE » morceau le l’album. « But You’re Beautiful » est un titre plus acoustique, le premier depuis longtemps. Belle ballade sur un amour perdu « We were only friends but it’s over ».

Charlie Whitney est à la guitare douze cordes, Mel Collins au saxophone, et de jolies chœurs de femmes agrémentent le refrain. « Can’t Come In », Streetwalkers est de retour, Rock Funk en avant, ça déboule à toute allure, attention où vous mettez les pieds, ça groove, difficile de rester en place sans bouger ou taper des mains et des pieds.

Belles lignes de basse. Deux chorus de guitares sympas, pas de grandes envolées, mais de jolies prises de parole, sans artifice, juste le nécessaire. « Belle Star » petit Blues écrit par Whitney, tranquille,

calme, pas vraiment grandiose, mais agréable à écouter, même si on l’oublie assez vite,

(Photo by Michael Putland

surtout qu’il s’enchaine à « Sam » (Maybe He Can Come To Some Arrangement) chanson plus pop, Bob Tench assure plutôt bien la seconde voix derrière Chapman. L’arrangement est assez original,

et le style rompt avec le reste de l’album, la musique est plus blanche, moins épicée, moins colorée, plus banale peut être mais pas mauvaise, loin de là, différente de ce que le groupe nous a habitué. Dernier morceau du disque « Cross Time Woman » revient vers un style plus prononcé, comme on attend de la part de Streetwalkers,

mais en moins funky, le groove est plus léger que dans les premiers morceaux. Malgré tout, la basse ronfle joliment. Le titre possède un côté Robert Palmer des premiers albums. On y croise un saxophone, des cordes, un piano, des synthés, et il faut bien le dire, un sens profond de la mélodie. En résumé un morceau qui achève cet album de belle manière. Bien sur, ce disque n’est pas un chef d’œuvre, je vous l’ai déjà dit, mais il s’en approche, dans le fait qu’il rend heureux celui qui l’écoute. Il est joyeux, exubérant, dansant et sonne vrai. Il contient d’excellents morceaux qui nous comblent de plaisir et de bonheur. Chaque musicien connait son boulot sur le bout des ongles, et assurent avec panache une partition signée pour quasiment tous les titres par Chapman et Whitney, à l’exception de « Belle Star » signé Whitney, et « Sam »  composé par Chapman, Whitney et Tench.

Et le plaisir, de pouvoir de nouveau entendre la voix de Roger Chapman est un vrai régal pour les oreilles. Pourquoi n’a t’il jamais eu droit à sa place aux côtés des Robert Plant, Roger Daltrey, Paul Rodgers. Il le méritait indéniablement. La vie est ainsi faite, il faut également un peu de chance pour pousser le destin, et tous n’en n’ont pas, c’est aussi simple que ça… Streetwalkers donnait à son Rock des couleurs de Blues, de Soul, de Funk, réussissait un parfait métissage de sa musique, la rendant intemporelle, éternelle et tellement vivante. Bientôt, je vous parlerai d’autres albums du groupe, tel que « Downtown Flyers » ou « Streetwalkers Live » qui bien qu’imparfait, contient quelques versions à ne pas mettre entre toutes les oreilles, sous peine de brulures graves et sérieuses, mais ça c’est déjà une toute autre histoire…

(Photo by Michael Putland/Getty Images)

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