THE ALLMAN BROTHERS BAND : « AN EVENING WITH THE ALLMAN BROTHERS BAND. FIRST SET »

Les deux derniers album de l’Allman Brothers Band, « Seven Turns » et « Shades Of Two Worlds », sont de parfaites réussites. Bien accueilli par la critique, ils sont plébiscités par les fans à travers le monde. Le groupe en avait besoin. Les années de pain noir, de passage à vide, les manques de motivations rencontrés dans le milieu des années soixante dix, les séparations, les reformations, les problèmes d’égo, de pertes de créativité qui hantent le groupe jusqu’à la fin des années quatre vingt, ont eu raison de ce groupe légendaire. Gregg Allman n’y croit plus, et il n’est pas le seul.

Richard « Dickey » Betts, est dans le même état d’esprit. Mais le pire dans tout cela, c’est que le public lui même ne croit plus en ce groupe, et pourtant il avait un amour passionnel pour l’Allman. Mais à force de déceptions, le plus entêté des fans peut jeter l’éponge, comme un boxeur qui n’en pourrait plus de recevoir des coups sans pouvoir y répondre. Fort heureusement, l’arrivée non pas de Zorro, mais de Warren Haynes à la toute fin des années quatre vingt, quatre vingt neuf pour être précis, replace le groupe sur les rails du succès. Guitariste génial, excellent auteur compositeur, boulimique de travail, Warren Haynes insuffle au groupe une force,

une dynamique, une volonté et un entrain qui lui faisaient défaut depuis trop longtemps. Et ce retour est cent pour cent gagnant. Les deux nouveaux albums sont magnifiques, et durant les concerts, le public redécouvre avec plaisir, le bonheur de voir sur scène deux guitaristes au sommet de leur art, se partager les chorus, s’affronter dans des joutes musicales qui ne sont pas s’en rappeler les grands moments live de la première période de l’Allman Brothers Band. La connivence entre Dickey Betts et Warren Haynes est visible, empreinte de plaisir et de respect.

Tout comme celle qui uni les deux batteurs, Butch Trucks et Jaimoe, secondés depuis peu par un percussionniste Marc Quiñones. À la basse, arrivé en même temps que Warren, Allan Woody. Et bien sur, pour compléter le groupe, un des fondateurs de l’Allman Brothers, Gregg Allman. L’album live dont je vais vous parler aujourd’hui, « An Evening With the Allman Brothers Band: First Set » a été enregistré sur trois concerts. Tout d’abord au Macon Civic auditorium de Macon, Géorgie du 28 au 31 décembre 1991, à l’Orpheum Theatre Boston, Massachusetts, les 03 et 04 mars 1992, et enfin au Beacon Theatre de New York les 10 et 11 mars 1992. Il s’agit de la première partie d’un diptyque, dont le second volume parait en 1995, sous le même titre, mais annoté « 2nd Set ». La renommé du groupe est née sur la scène,

et quand la magie opère, Allman hypnotise un auditoire totalement subjugué, entièrement à sa merci. C’est exactement ce qui se passa durant l’enregistrement du mythique « At Fillmore East » en 1971, un public ébahi devant une série de concerts inouïe, où une nouvelle musique prenait vie devant eux, mélange à la fois de Rock, de Blues, de Rythm’n’Blues et de Jazz modal, et d’où allait émerger un des plus grands disques live de toute l’histoire de la musique populaire américaine et internationale, un de ces très rares joyaux de la Rock musique qui brille à tout jamais pour l’éternité, au firmament des cieux. À un degré bien sur différent, c’est ce qui se passe pour le public présent aux concerts de l’Allman Brothers de 1991/1992.

Le langage musical n’est plus à inventer, c’est bien sur le même, mais le public reste toujours interdit devant l’aisance, la technique, le feeling, la facilité déconcertante, la virtuosité et la justesse de chaque musicien, passé maître de son instrument, en tirant des sons qui en principe n’existent pas, sanglots humains aux accents désespérés, ou joie communicative exubérante, comme le faisait en son temps John Coltrane avec son saxophone ténor. Mais revenons à notre album du jour, « An Evening With the Allman Brothers Band: First Set », c’est le troisième album live du groupe, mais le premier de cette décennie. Il est composé  de neuf morceaux, pour une durée totale d’environ d’une heure quinze minutes.

Trois titres proviennent du tout dernier album « Shades Of Two Worlds », pour le reste, des traditionnels du groupe, pour ne pas dire des classiques, et une reprise de Blind Willie McTell, « Midnight Blues », adapté par Dickey Betts, responsable de l’écriture de quatre morceaux. À l’harmonica, un ami de longue date du groupe, Thom Doucette. Voilà, je pense que maintenant, vous êtes au courant de tout ce qui entoure ce splendide live album, il ne me reste plus qu’à vous le présenter en détails. Et ça commence très fort avec une puissante version de « End Of The Line », le son est énorme, la mise en place est rigoureuse, la voix de Gregg Allman est forte et belle, les guitares impressionnantes avec un premier chorus de Betts lyrique à souhait, court mais intense.

Il est immédiatement suivi par la slide de Warren, chorus court également. Les deux guitaristes se parlent et dialoguent jusqu’au final.

Ce premier morceau est superbe et laisse présager de grandes et belles choses. « Blue Sky » (1972) est un titre de Dickey Betts, appartenant à la période la plus country du groupe, virage voulue par Betts après le décès de Duane Allman, alors qu’il restait l’unique guitariste du groupe, et souhaitait donner une nouvelle direction à la musique de l’Allman. Un premier chorus de guitare vient illuminer le morceau.

Dickey Betts le veut coloré et intense, et le développe jusqu’à lui faire atteindre des hauteurs impressionnantes, Warren Haynes prend la suite et son développement est tout aussi lyrique, bien que dans un style différent. La basse d’Allan Woody se promène sur les rythmes des deux batteurs, accompagnant les coups d’un son sec et tendu.

Les huit minutes quarante du titre passent à une vitesse folle, on en souhaiterait quelques minutes de plus. « Get On With Your Life » Blues signé Gregg Allman, est gorgé de feeling et de frissons, la voix est rauque comme il se doit dans ce type de chansons.

La guitare de Warren est tout en langueur et amène le solo d’orgue de Gregg, soutenu par des batteries meurtrières. Un dialogue s’installe entre les deux guitaristes, avant le reprise du thème par Gregg. « Southbound », composé par Dickey Betts, annonce un groove puissant et rapide, ça swingue, c’est dansant, la guitare en premier chorus travaille son solo dans ce sens, Warren tricote le sien dans la même veine, rapide, groovy, et quand les deux guitares se rejoignent,

leur voix se mélangent et dialoguent avec un feeling qui fait plaisir à entendre. Ce morceau est une tuerie, il ne paie pas de mine et pourtant il est diabolique. Tout l’art du groupe peut s’y faire entendre.

Arrive maintenant cette fameuse reprise de Blind Willie McTell « Midnight Blues » dans une adaptation de Dickey Betts. C’est également le premier morceau acoustique de l’album,

Thom Doucette y promène son harmonica, Gregg, Dickey, Warren et Allan ont pris leur instruments acoustiques, pour ce magnifique moment de douceur et de quiétude, c’est Dickey qui y pousse la chansonnette. « Melissa » autre classique du groupe est magnifié par les guitares acoustiques, qui lui confèrent un côté tendre et hors du temps. Chanté par Gregg qui l’a co-écrite en 1972, « Melissa » est une perle rare, aux reflets de soleil couchant, qui parle à notre âme et à notre cœur. « Nobody Knows », signé Dickey Betts, est le titre le plus long du disque, plus de quinze minutes.

Ponctué d’un solo d’orgue, suivi du chorus de Dickey Betts, lumineux, sauvage, torturé et intense, superbe dans sa construction, et son exécution. Une partie centrale plus calme, casse le rythme, et impose la douceur après une première cavalcade. Le chorus de Warren Haynes, avec des côtés plus jazzy relance la machine, soutenue par les deux batteurs et le percussionniste qui tissent leur trame,

sur laquelle chacun vient se poser. Le chorus de Warren prend des accents rageurs de bête féroce. Les deux guitares se mettent à l’unisson pour amener le morceau à son terme. La voix de Gregg est énorme et tout à fait au diapason du morceau, la pièce de résistance de l’album. Cinq étoiles, énorme! « Dreams » signé Gregg Allman date de 1969, et figure dans le premier album du groupe. Un tempo Jazz, mouvant tel un serpent, parfait pour y déposer ses chorus. Warren s’y colle d’abord,

en douceur et retenue, subtilement, presque amoureusement, comme s’il avait peur de faire mal.

Petit à petit, son chorus prend de l’ampleur, s’étoffe, tout en restant d’une grande douceur. Dickey Betts prend sa place, son chorus est teinté de mélancholie, mais délivre des notes pleines d’espoir, d’où transparait un feeling à fleur de peau. Encore un morceau d’anthologie.  On arrive à la fin de l’album, avec « Revival » un titre typique de l‘Allman, composé par Betts, guitares à l’unisson, tempo médium-rapide, soutenu par une section rythmique au carré qui ne bouge pas d’un iota, Le public tape dans ses mains, et chante avec le groupe « Love Is Every Where ».

Cet album a tout pour plaire, de très bonnes chansons, une interprétation au cordeau qui allie feeling et virtuosité, un son énorme qui transpire de la production de Tom Dowd. Que peut on demander de plus.

Le groupe n’ait jamais possédée. Le duo de guitaristes formé par Dickey Betts et Warren Haynes est époustouflant. Les deux hommes se respectent et s’admirent, ils s’écoutent et se complètent comme rarement. On se croirait revenu au temps béni de la paire Duane Allman /Dickey Betts. Les envolées prises par les guitares atteignent des sommets rarement atteints, et chaque chorus est une œuvre d’art musicale. Oui, encore une fois, même après « At Fillmore East » et sa valeur artistique reconnue et indéniable, il est important pour le groupe de sortir de nouveaux albums live. L’époque change, de nouveaux morceaux voient le jour, et de nouveaux musiciens viennent renouveler la « Famille » Allman Brothers. Ils se doivent de laisser une trace de leur passage, surtout quand les traces sont d’une telle qualité. Très bientôt,  je vous parlerai du second volume de « An Evening With The Allman Brothers Band », puis, dans quelques temps, je vous vous raconterai, ces deux folles soirées de la tournée du 4o ème anniversaire, en 2009, durant lesquelles un troisième guitariste est venu, répondant à l’invitation du groupe, afin de partager la scène, pour la dernière partie des concerts, et pour donner un petit coup de pouce à ce musicien débutant, le nom de ce guitariste : Eric Clapton… Je vous ai eu !!! C’est un petit « joke ». Mais ça c’est tout à fait une autre histoire…

(Photo By Rick Diamond/Getty Images)

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