Avec l’album « Axis Bold As Love« , on avait senti une sorte de bouillonnement de matière, comme dans le tout dernier morceau, bouillonnement annonciateur d’une future éruption volcanique, la matière commençait à sur-chauffer, le jaillissement était proche… HENDRIX entrait dans une nouvelle phase, supportant de plus en plus mal le personnage de « diable sexuel » qu’il avait lui même façonné pour la scène.
« And The Gods Made Love«
Après la sortie d « Axis » les concerts se succèdent sans discontinuer, JIMI a découvert les énormes possibilités des pédales d’effets, en particulier la pédale wah wah, qui lui permet de faire parler, chanter, miauler, et faire jouir sa guitare, en gommant la note, la remplaçant par un son modulable à souhait. En janvier 1968 HENDRIX est arrêté à Göteborg en Suède pour avoir détruit, à l’instar d’un Keith Moon, sa chambre d’hôtel. Cela n’arrange en rien l’ambiance de l’ EXPERIENCE, loin d’être au beau fixe. NOEL REDDING se sent chaque jour un peu plus exclu du groupe, et en a assez de ne jouer que les lignes de basse que JIMI écrit pour lui. Il aimerait plus d’autonomie.
« Have You Ever Been To Electric Laydyland«
Le groupe tourne sans arrêt, et ne voit pas la couleur de l’argent gagné. Mais comme personne n’a vraiment envie de s’engager à fond dans une lutte fratricide, chacun des membres charge un peu plus sur les quantités de drogues consommées. Les concerts sont de plus en plus importants, le groupe joue devant un mur gigantesque d’amplis Marshall doublés. Au cours des quinze derniers mois, l’ EXPERIENCE a donné 255 concerts en Europe et aux Etats-Unis. Le groupe n’a plus que les drogues et les amphétamines pour tenir le coup. HENDRIX, n’est plus aussi à l’aise qu’avant, tout va beaucoup trop vite, son destin semble lui échapper. Ses managers, Chandler et Jeffery, semblent de plus en plus affamés, et il se sent comme un vulgaire pantin entre leurs mains.
« Crosstown Traffic«
Malgré tout JIMI trouve encore le temps de taper le bœuf le soir dans des clubs, voir même entre deux concerts. Comme ce fameux soir où il joue au club New Yorkais The Scene, avec Jim Morrison, Buddy Miles, Johnny Winter,
« Little Miss Strange » (Noel Redding)
Eric Burdon, ou d’autres fois avec B.B. King, Clapton, Ted Nugent, les Mothers Of Inventions, Traffic, le Jeff Beck Group, le Butterfield Blues Band, Larry Corryel. Dans le même laps de temps, il arrive a composer l’essentiel du prochain album… En février HENDRIX joue à Seattle, sa ville natale, au premier rang, que des membres de sa famille dont son père, qu’il n’a pas vu depuis huit ans. Est-ce à cause de la présence paternelle en face de lui, mais son jeu de scène est d’une sobriété hallucinante, il ne bouge quasiment pas.
« Come On (Let’s The Good Times Roll) » Earl King.
En mars 1968 le groupe a assuré 47 concerts en 54 jours, la cadence est infernale, pour le grand bonheur des deux managers qui voient l’argent entrer à flots dans les caisses, mais qui en fin de compte, ne sert qu’à augmenter leurs propres comptes en banque. Loin des préoccupations artistiques, ils ne voient pas le changement de JIMI, qui s’éloigne toujours un peu plus de l’équipe. Il n’en peu plus, soirs après soirs de répéter les mêmes choses, le même rituel. HENDRIX veut évoluer aller toujours plus haut, plus loin. Et c’est curieusement au moment où le groupe connait le plus de succès que JIMI s’en éloigne, s’échappant dans ces bœufs improvisés aussi souvent qu’il le peut.
« Long Hot Summer Night«
A New York, où il retrouve ses racines, ses bases, le blues, le vrai, le jazz, les musiciens américains qu’il rencontre, lui reprochent de jouer uniquement avec des anglais, il devrait choisir ses compatriotes, et surtout des compatriotes noirs comme lui, JIMI rencontre même des membres des Black Panthers. Il participe à une jam-session avec John McLaughling, et le contrebassiste Dave Holland, tous deux musiciens de Miles Davis. Cette confrontation avec des musiciens non issus du blues ou du rock, lui font voir des perspectives nouvelles, plus axées sur une forme de Jazz. Il continue de composer, et un moment envisage de profiter du prochain album pour modifier le groupe. Peut être est-il temps de changer, de modifier, surtout NOEL REDDING, qui de son côté ne supporte plus de ne jouer que ce que JIMI lui dit, et qui refait de temps en temps les lignes de basse à son insu…
« Gypsy Eyes«
En fin de compte, il décide de garder l’EXPERIENCE en état, mais va inviter de nombreux musiciens sur le nouvel album, chacun amenant sa personnalité propre. Ainsi trouve t’on sur le disque Buddy Miles (batterie), Freddie Smith (sax), Steve Winwood (claviers), Dave Mason (guitare), David Cassady (bassiste du Jefferson Airplane, surnommé le Hendrix de la basse). En juin 1968, l’enregistrement commence et le 9 novembre 1968, l’album « ELECTRIC LAYDYLAND«
« Burning Of The Midnight Lamp«
parait en Angleterre. Une semaine plus tard, il est retiré de la vente à cause de sa pochette, qui représente des femmes nues assises, à genoux. La semaine suivante l’album ressort avec une pochette plus traditionnelle,
au désespoir d’HENDRIX qui avait choisi l’autre. Curieusement, le 33 tours est moins bien accueilli que les albums précédents, le Melody Maker trouvait « que l’album partait un peu de tous les côtés, sans une vrai direction ». Jamais un album aussi important aura été aussi mal jugé par certains magazines lors de sa sortie, heureusement, le temps lui a redonné sa véritable place parmi les Chef d’Œuvres de l’histoire de la musique.
« Rainy Day, Dream Away«
Pour pouvoir peaufiner le son comme il le souhaitait, JIMI se sépare de Chas Chandler. HENDRIX, perfectionniste à l’extrème travaille le moindre note, capable de rester une journée entière sur le son d’une guitare, il épuise tout son staff. Encore une fois, comme pour « Axis« soigne particulièrement les effets stéréophoniques. Pour le morceau « Gypsy Eyes » il réalise 43 prises.
« 1983…A Merman I Should Turn To Be«
HENDRIX joue la plus part des parties de basse, tant ses relations avec REDDING sont tendues. « ELECTRIC LADYLAND » prend la tête des charts US, et entre directement à la première place du Billboard 200, et au 6° rangs des charts anglais, en France il se classe deuxième meilleure vente d’albums en 1968. En même temps, c’est le dernier disque de l’ EXPERIENCE, et le dernier album studio de JIMI HENDRIX de son vivant. On est en face de l’album le plus léché, le mieux construit, le plus
« Moon, Turn The Tides…Gently, Gently Away«
abouti d’HENDRIX. Il a quand même fallut six mois de travail pour parvenir à ce résultat. L’album allie la puissance et la force du premier album, à la subtilité et les trouvailles du second. De plus la poésie des paroles est magnifiques, allant de pair avec la musique. « ELECTRIC LADYLAND » fait partie de ces œuvres intemporelles, magiques et folles.
« Voodoo Chile » (Enfant Vaudou)
Et bien je suis un enfant vaudou
Seigneur je suis un enfant vaudou
Et bien, la nuit où je suis né
Seigneur je jure que la lune tournait au rouge flamboyant
La nuit où je suis né
Je jure que la lune tournait au rouge flamboyant
Et puis ma pauvre mère s’écria
« Seigneur, le Gitan avait raison ! «
Et je l’ai vue, s’écrouler raide morte
(Aie pitié)
Les pumas me trouvèrent ainsi à attendre
Et ils m’installèrent sur le dos d’un aigle
Les pumas me trouvèrent ainsi
Et ils m’installèrent sur l’aile d’un aigle
(C’est l’aile de l’aigle, bébé qu’est-ce que je viens de dire
Il m’emmena aux confins de l’infini
Et quand il me ramena
Il me donna l’anneau magique de Vénus
Et il me dit « Envole-toi, envole-toi »
Car je suis un enfant vaudou, ouais
Un enfant vaudou, ouais
Voilà, je vais te faire l’amour
Et le Seigneur sait que tu ne sentiras pas la douleur
J’ai dit que j’allais te faire l’amour dans ton sommeil
Et le Seigneur que tu n’as pas senti la douleur
(Aie pitié)
Parce que je suis à des kilomètres
Et en même temps je suis ici dans ton cadre photo
Parce que je suis un enfant vaudou
Le Seigneur sait que je suis un enfant vaudou
Et mes flèches sont faites de désir
D’aussi loin que les mines de soufre de Jupiter
J’ai dit que mes flèches sont faites de désir
D’aussi loin que les mines de soufre de Jupiter
(Profondément de par la mer de méthane, ouais)
J’ai un oiseau-mouche et il ronronne si fort
Tu crois que tu étais en train de perdre la tête
Et bien je flotte dans des jardins liquides
Et le nouveau sable rouge d’Arizona
Je flotte dans des jardins liquides
Profondément dans le sable rouge d’Arizona
Et je goûte le miel d’une fleur appelée Mélancolie,
Au fin fond de la Californie
Et New York sombre alors que nos mains s’étreignent
Parce que je suis un enfant vaudou
Le Seigneur sait que je suis un enfant vaudou
JIMI HENDRIX se livre complètement dans « ELECTRIC LADYLAND« . Ses deux premiers disques lui ont servi de tremplin, de moteurs atomiques pour mettre sur orbite, une étoile, une nébuleuse, une constellation d’une noirceur éblouissante, il nous fait visionner ses rêves, ses cauchemars, ses expériences, ses doutes, ses souffrances et ses grands moments de joie.
« Still Raining, Still Dreaming«
« House Burning Down«
Tout n’est que beauté et espace, entouré d’une flamboyance rouge dominant les couleurs de l’arc en ciel. Du merveilleux, à l’éblouissant, du blues au rock en passant par une longue jam-session, JIMI se déshabille, s’écorche vif devant nous, pour nous dévoiler sans fausse pudeur, et sans fausse modestie, l’étendue de son génie créatif.
« All Along The Watchtower » Bob Dylan.
Bien sur je pourrais vous parler de chacune des chansons de l’album, mais à quoi bon, l’article serait beaucoup trop long. Sachez simplement que c’est un disque qui ne parle que d’amour..
Voodoo Child (slight Return)
(Enfant Vaudou ( Retour Léger)
Et Bien, je suis debout à coté d’une montagne
Et je l’ai applatie avec la paume de la main
Et Bien, je suis debout à coté d’une montagne
L’ai applatie avec la paume de la main
Et Bien, je recupère les morceaux et j’en fait une île
Ca devrait même elever juste un peu de sable
Parç’que j’suis un enfant vaudou
Dieu sait que je suis un enfant vaudou
J’ai pas voulu te prendre tout ton agréable temps
Je te le rendrai un de ces jours
J’ai dit, je voulais pas te prendre ton agréable temps
Je te le rendrai un de ces jours
Et si je ne te rencontre plus dans ce monde
Alors je, je te rencontrerai dans le suivant
Et soit pas en retard, soit pas en retard
Parç’que je suis un enfant vaudou
Dieu sait que je suis un enfant vaudou
Je suis un enfant vaudou.
L’imaginaire prend le pas sur la raison, l’Enfant Voodoo nous découvre son monde, des paysages brûlés, sous des soleils de feu, des ciels étoilés où brillent des lunes argentées de métal en fusion. Jamais imagerie ne sera plus féconde, personne ne survolera plus les mines de souffre de Jupiter, et plus aucun enfant loup ne criera à la lune, en entendant les sons tombés d’un ciel qui se déchire en hurlant.
Et si « ELECTRIC LADYLAND » était l’œuvre d’un Fou qui ai tout perdu sauf la raison, et qui se bat dans le monde réel pour imposer sa vision à des êtres dépourvus de raison mais qui ne le savent pas? » « ELECTRIC LADYLAND » est la pierre angulaire, le plus grand disque de toute l’Histoire de la rock music. Bien sur il y a « Sergent Pepper » ou « Abbey Road » des Beatles. Mais nulle trace de cette folie furieuse, palpable, incontrôlable et pourtant disciplinée Hendrixienne.
Pete Townshend, des Who a dit :
… »S’il ne reste qu’un nom dans toute l’histoire du Rock’n’roll dans cent ans, ne cherchez pas, ce sera forcément JIMI HENDRIX« … On a pu lire également dans le magazine Rolling Stone US : « Hendrix joue le Blues du Delta, mais ce Delta là, se trouve sur Mars »…..
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