L’œuvre majeure de RICHARD MATHESON – considéré comme le Maître de l’horreur psychologique- reste pour beaucoup « JE SUIS UNE LEGENDE« , sortie en 1954, et devenu presque instantanément un classique, que vient titiller quelques années plus tard le sublime et bouleversant « L’Homme Qui Rétrécit« . Classique de l’horreur et de la science fiction, « JE SUIS UNE LEGENDE » apporte un sang neuf et frais à un des mythes fondamentaux de cette littérature, les vampires.
N’oublions pas qu’Hiroshima et Nagasaki sont dans la mémoire collective, et que la peur d’une destruction totale de la Terre, n’est plus une utopie, mais devient possible. Le monde entier a peur, seule l’Amérique, première grande puissance mondiale semble épargnée par ce sentiment, les américains se sentent plus fort, jusqu’à ce que les Russes fasse exploser leur première arme atomique en 1949. L’Amérique n’a plus la suprématie nucléaire. C’est le début de la guerre froide et la course à l’armement, avec au loin le spectre d’une destruction nucléaire mutuelle, et la fin de toute vie!
C’est à cette période que l’on voit apparaître un nouveau type de roman de science fiction, beaucoup plus noir, plus sombre, dans lesquels la science n’est plus la solution vengeresse à tous les problèmes, au contraire, c’est par elle que le malheur peut arriver. La bombe atomique a changé les esprits. Ce climat d’anxiété, de noirceur se retrouve parfaitement dans le roman de MATHESON, ainsi d’ailleurs que dans son second livre « L’Homme Qui Rétrécit » qui paraît en 1956.
« JE SUIS UNE LEGENDE » se passe justement dans un monde post-atomique, tout n’est que ruines et désolation. Pourquoi, comment? Mystère… C’est dans ce contexte que l’auteur fait apparaître une ancienne figure gothique dans l’Amérique du XX° siècle, le vampire. Mais ce n’est plus l’élégant Dracula vivant dans son château, mais des monstres qui sévissent dans les bas quartiers de Los Angeles.
Le héros du livre Robert Neville est le dernier humain sur la terre, survivant d’un fléau, d’une épidémie qui a transformé tous les êtres humains en vampires. La journée il recherche des provisions, et des vampires à tuer, et la nuit il vit cloîtré dans sa maison aux fenêtres barricadées, alors que les vampires essaient d’y pénétrer pour le tuer.
George Romero qui réalisera quelques années plus tard « La Nuit Des Morts-Vivants » reconnaît que le livre de MATHESON l’a beaucoup inspiré, et il n’est pas le seul. Trois films majeurs ont été adapté du roman de MATHESON, le premier en 1964 avec Vincent Price « Le Dernier Homme Sur Terre« ,
« Le Survivant » avec Charlton Heston en 1971,
et le dernier en 2007 « Je Suis Une Légende » avec Will Smith,
mais la fin des trois films trahit le roman. RICHARD MATHESON est né dans le New Jersey en février 1926, et nous a quitté en juin 2013 à l’âge de 87 ans. Après avoir obtenu un diplôme de journalisme, il part pour la Californie, se décidant à une carrière d’écrivain. Son premier succès, il l’obtient avec sa première nouvelle « Born Of Man And Woman » (Le Journal D’un Monstre), un enfant monstrueux caché par ses parents dans leur cave. Puis le succès international avec « JE SUIS UNE LEGENDE« , « L’Homme Qui Rétrécit« , sans compter les très nombreuses nouvelles.
Dans le milieu des années 60, MATHESON s’éloigne de la SF pour le roman policier « Les Seins de Glace » « De La Part Des Copains » puis le fantastique avec « La Maison Des Damnés« . C’est durant cette période que le cinéma va l’attirer à lui, on adapte ses deux premiers romans, et Universal lui demande d’écrire le scénario de « L’Homme Qui rétrécit« .
Il participe à divers sujets « Burn Witch Burn » en 1962. La firme American Internal lui demande de réaliser des adaptations d’Edgar Poe. Ce qui lui apportera fortune et gloire. Mais c’est en 1974 écrivant en le
scénario pour le premier film d’un très jeune réalisateur, qu’il connaîtra une sorte de consécration. Il s’agit de « Duel«
de Steven Spielberg.
D’autres de ses œuvres se verront adaptées au cinéma, mais aucun film n’aura la puissance de ses romans. La grande force de « JE SUIS UNE LEGENDE » c’est de prendre les choses à l’envers. Habituellement, les vampires sont peu nombreux, et pourchassés par les hommes, la majorité contre la minorité, dans le roman, la « normalité » le grand nombre, la quasi totalité du monde est devenue vampire, et l’être sain, non contaminé est seul, il est devenu la minorité, c’est lui qui est pourchassé parce qu’il est différent du reste du monde, en fin de compte c’est lui qui est le monstre, le « différent ».
L’ordre social du monde est complètement bouleversé, les vampires ont conquit le monde, et Robert Neville est le dernier Homme de l’ancien monde, il doit disparaître au profit du nouveau. Avant, les vampires n’étaient qu’une légende, aujourd’hui, demain c’est l’Homme qui deviendra une légende…
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