TERENCE FISHER est l’un des réalisateurs les plus importants du cinéma fantastique populaire, bien avant les John Carpenter, Wes Craven, George Romero. Il a su créer un monde nouveau grâce à la couleur, son sens de l’esthétisme, son goût du baroque.
L’idée de génie, remettre aux goûts du jour, de manière plus moderne, plus impressionnant, plus érotique, les grands mythes créés par les Studios Universal dans les années 30. Frankenstein, Dracula, la Momie, le Loup Garou, Sherlock Holmes, le Docteur Jekyll. Ces personnages il se les ait réapproprié, en leurs apportant sa « griffe » personnelle, sa vision du cinéma fantastique. Ce ne sont pas de simple copies, non, c’est une réécriture.
Son cinéma est foisonnant de silhouettes en arrière plan, souvent caricaturées, la bourgeoisie y est dépeinte comme mauvaise, futile, ignorante et souvent dépravée, les pauvres comme des lâches, et les gens de police des incapables à résoudre le moindre problème. La science est ignorée du plus grand nombre, lui préférant un rationalisme primaire, et bien sur l’église, afin de mieux nier le Démon.
Jusqu’au moment où attaqué dans leurs habitudes, leur quotidien, par l’innommable, bourgeois et autres se tourneront vers elle, afin qu’elle les débarrasse de ce mal absolu. Ensuite chacun pourra reprendre sa petite vie insipide et banale. Je vous parlais de l’érotisme un peu plus haut, c’est vrai qu’il est totalement absent des films de la Universal, FISHER, lui l’introduit sans complaisance aucune, par petite touche, grâce à de jeunes et belles actrices, jouant des personnages souvent issues de la petite bourgeoisie, à la plastique irréprochable!
A la différence de leur homonyme américain, FISHER présente les vampires comme des animaux, des bêtes assoiffés de sang, beaucoup terrifiants qu’a pu l’être par exemple le Dracula de Bela Lugosi.
Ce sont des monstres sous des traits humains. Chez FISHER tout sentiment leur est inconnu, seul compte leur instinct de survie. Extérieurement le monstre est normal, amical, son animalité n’est pas visible. D’où une certaine ambiguïté dans les sentiments, les émotions, dans presque la totalité de son oeuvre, où chaque état à son contraire, le Bien/Le Mal, Beauté/Laideur, Plaisir/Souffrance, Amour/Mort, Homme/Femme, Jour/Nuit, Raison/Prémonition.
Ce qui frappe également, c’est comment avec si peu de moyen financier, FISHER arrive à s’entourer d’une équipe de « magiciens » qui donne vie à des décors, une photographie, des ambiances baroques et Victorienne, une musique, des effets spéciaux, absolument fabuleux, et innovateurs.
Comment, et pourquoi cet homme qui se destinait à rentrer dans la marine marchande, a quasiment par hasard intégré le monde du cinéma à l’âge de 29 ans, comme assistant monteur, et passera à la réalisation en 1947 avec le film « Colonel Bogey », peut être est cela la Magie du 7ème Art, où un coup de baguette magique…
Dans tous les cas, c’est en rejoignant la HAMMER FILMS PRODUCTIONS qu’il devient célèbre. Cette firme anglaise recherche un partenaire distributeur pour les Etats-Unis, et trouve l’Associated Artists Productions.
C’est durant une réunion des dirigeants des deux sociétés, que la AAP suggère à la HAMMER, de refaire une adaptation de « Frankenstein » immortalisé par Boris Karloff, et le réalisateur James Whale. Le livre original de Mary Shelley étant entré dans le domaine public, la HAMMER s’empare du projet. Plusieurs scénarii voient le jour, mais pour l’instant les décisions prises, sont que le film sera tourné en Technicolor, afin de se différencier encore plus de la version américaine de 1931,
de rendre les scènes d’horreur encore plus spectaculaires, plus détaillées, plus horribles, les studios de style très victorien de la HAMMER, et le choix de deux acteurs phares du studio, PETER CUSHING et CHRISTOPHER LEE. Après plusieurs réalisations très honnêtes, la direction du film est confiée à TERENCE FISHER. « The Curse Of Frankenstein » (Frankenstein s’Est Echappé) sort en 1957
et secoue les codes figés de la censure britannique, et obtient un succès sans précédent en Angleterre et en Amérique. Tout le style de la HAMMER et de TERENCE FISHER sont dans ce film aux couleurs éclatantes, saturées, aux décors vertigineux, au jeu fabuleusement british des deux acteurs principaux.
La recette est trouvée, la HAMMER va s’attaquer à tous les grands classiques américain en les revisitant à sa sauce. Vu le succès du Frankenstein anglais, Universal Pictures cède les droits de ses films fantastiques à la HAMMER, faisant avec cette transaction, la plus grosse opération conclue entre deux maisons de production. C’est donc avec la même équipe technique, que FISHER se lance dans la réalisation de son prochain film, « HORROR OF DRACULA ». CHRISTOPHER LEE fait oublier jusqu’à l’existence de Bela Lugosi,
son Dracula est un prédateur sexuel hypnotique, un animal féroce assoiffé de sang, à la puissance phénoménal. PETER CUSHING hérite du rôle du Dr.Van Helsing, l’ennemi juré du Prince des Ténèbres. Encore une fois, les couleurs sont magnifiques, les décors somptueux, et pour la première fois, on voit les deux canines du Comte.
Le film baigne dans une ambiance gothique, érotique, fascinante, sulfureuse, sur une musique haute en couleurs. Seul bémol, le scénario s’éloigne du roman de Bram Stoker. Mais vu sa taille, c’est un film de dix heures qu’il aurait fallut faire, ou un film à épisodes.
Mais ne boudons pas notre plaisir pour tout autant. On est bien loin de la chasteté du film avec Lugosi,
LEE est la représentation d’un vampire inconnu des cinéphiles des années 1958, il n’est pas édulcoré, le sang qu’il fait couler est rouge, asperge et se répand sur l’écran. C’est sans aucun temps mort que FISHER raconte son histoire, le combat entre le bien, Van Helsing, et le mal Dracula.
Sa réalisation est nerveuse. Les couleurs saturées éclatent à nos pupilles, comme autant de merveilles. Le budget du film atteint environ 120 000 euros, et permet à la HAMMER d’entrer dans son âge d’or, et ce pour quelques bonnes années encore.
LEE connaitra des soucis avec ses lentilles de contact, tombant à plusieurs reprises… Mais il reste l’incarnation parfaite du Comte Dracula. « LE CAUCHEMAR DE DRACULA » et « The Curse Of Frankenstein »,
marquent le début des grandes années, et restent parmi les plus grande réussite de la HAMMER. L’histoire
« Jonathan Harker, est un chasseur de vampire, qui se faisant passer pour libraire, s’est fait engager par le Comte Dracula,
Prince des Ténèbres, et Maître des vampires, pour s’occuper de sa bibliothèque.
Il essaie en vain de tuer le non-mort, mais se fait lui même mordre et devient l’un d’entre eux.
Dracula décide d’aller retrouver la fiancée de Parker. Le Dr Van Helsing, ami de Jonathan, arrive au château Dracula, et découvre son ami vampirisé.
Il décide de le tuer pour le libérer de la malédiction en lui enfonçant un pieu dans le coeur. Comprenant les plans du Comte, Van Helsing rentre en Angleterre afin de sauver Lucy, la fiancée de Jonathan,
ainsi que Mina et Arthur, belle soeur et frère de Jonathan. Une course poursuite diabolique et mouvementée s’engage entre l’homme et le démon… »
Jimmy Sangster le scénariste s’éloigne du roman, pour n’en garder qu’une partie de la trame principale. Des personnages ont disparu, d’autres ont changé. Mais tout reste cohérent. L’ambiance gothique du film est somptueuse, comme les magnifiques décors, les costumes d’époque. Les actrices sont belles, et se laissent prendre par le Maître avec envie, délice et crainte
. CHRISTOPHER LEE on ne le dira jamais assez, possède un charisme hypnotique, grand, droit, séducteur, bestial, dominateur dans sa longue cape noire, les cheveux lissés en arrière, il apporte au rôle une nouvelle noblesse, toute carnassière.
Le côté lumineux est remarquablement interprété par le grand PETER CUSHING, calme, élégant, raffiné, instruit. Il incarne la science, le rationnel, et il s’en sert pour éradiquer le mal. Il est le côté droit et pur de la force.
Dans la dernière scène du film, alors qu’il est debout sur la grande table, CUSHING devait aller ouvrir les lourds double rideaux qui masquent la lumière du jour, c’est du moins ce qui était écrit dans le scénario,
et durant le tournage, il eut l’idée de courir sur cette table et à la dernière seconde de sauter sur les rideaux pour les arracher, et dévoiler la lumière du soleil, le rendu à l’image a beaucoup gagné.
Son idée était lumineuse. « HORROR OF DRACULA » qui au départ devait s’intituler « DRACULA »,
reste à jamais est un des Chefs d’Oeuvre de la HAMMER. On est bien loin des ambiances brumeuses entourant le château de Bela Lugosi et du jeu théâtral et lent des acteurs de la version de 1931, Ici ce n’est plus de la fiction, les yeux injectés de sang de Dracula, ses crises de folies carnassières, semblent réelles, font peur, et ses morsures sont sanglantes.
Même si aujourd’hui les effets spéciaux semblent désuets, la force et la beauté du film restent intactes, il se démarque des autres productions d’horreur et d’épouvante de l’époque.
La seule question que l’on peut se poser, c’est pourquoi la HAMMER a attendu sept longues années pour donner une suite au film, alors que sont succès fut mondial ? A cela aucune réponse, mais d’autres grands Mythes ressuscités, La Momie, Le Loup Garou, Sherlock Holmes, et bien d’autres…
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Bonjour,
j’ai acheté Dans les griffes de la Hammer cet hiver (mais pas encore lu) ;(
Je suis ultra fan de Terence Fisher, mais en règle générale, de tout cet univers Loup-Garou, Vampires et Morts (ou enterrés) vivants 😉
C’est vrai que le Draculade Lugosi est presque anecdotique sur l’échelle de la peur, mais son esthétique et les histoires qui entouraient Lugosi resteront toujours là pour entretenir le mythe. Bel hommage en tout cas, merci