THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE : « LIVE AT WINTERLAND » 10/11/12/ OCTOBRE/1968

Ç’est fait, Jimi à son propre groupe, « The Jimi Hendrix Experience » il se compose de Noël Redding à la basse, au départ il est guitariste, mais il veut absolument la place, alors bien sur, il est partant pour jouer de la basse. Il convient à Chas Chandler, le manager, de Jimi. Pour le batteur, c’est plus compliqué. Deux sont sélectionnés, ils sont départagés à pile ou face, c’est Mitch Mitchell qui reste, Aynsley Dunbar s’en va vers d’autres horizons. En 1967 à Londres, il y a un Dieu de la guitare, c’est Eric Clapton. Sur de nombreux murs de la capitale,

on peut lire des inscriptions « Clapton is God ». Avec son groupe les « Cream », il émerveille la jeunesse. Il faut bien dire, que le nouvel album du groupe, « Disraeli Gears » est une pure merveille. Clapton est loin de se douter, qu’un jeune musicien inconnu, va donner un énorme coup de pied dans la fourmilière de la Rock Music, et inventer un nouveau langage. Quelques jours après son arrivée en Angleterre, et avant la création de groupe, Chas Chandler propose à Jimi d’aller voir les Cream qui donnent un concert à Londres. Le reste fait partie de l’histoire. À la fin du show, Jimi est invité par le groupe à monter sur scène, pour un bœuf sur « Killing Floor » le morceau de Howlin’ Wolf.

Quand Jimi commence à jouer, se rappelle Chas, Clapton se liquéfie, il est livide, au bout de quelques instants il arrête de jouer et va s’assoir dans le public pour regarder et écouter. Un journaliste musical très connu écrit « Ce qu’Eric avait vu ce soir là, l’a effrayé ». Après cet épisode, tout le gratin musical de Londres va voir le prodige qui inquiète, et fait si peur à tous les guitaristes. L’Experience donne ses premiers concerts, en France tout d’abord, Un soir à Londres, Jimi rencontre un chanteur français qu’il ne connait absolument pas, il se nomme Johnny Hallyday. Enthousiasmé par Hendrix, il lui demande

de faire quelques unes de ses premières parties en France. Si tôt dit, si tôt fait, l’Experience s’envole pour la France. Le groupe se produit également à l’Olympia le 09 octobre 1967, en première partie de Brian Auger Trinity. Il interprète les morceaux déjà enregistré dans les studios londonien. « Foxy Lady », « The Wind Cries Mary », « Red House« , « Purple Haze », « Rock Me Baby » et « Wild Thing ». De retour à Londres, le groupe entre en studio, afin d’enregistrer les autres chansons, qui figureront sur le premier album. L’entente entre les trois musiciens est excellente. Le jeu de Mitch, entre Rock et Jazz se marie à merveille avec le jeu de Jimi.

Un passage dans une émission télé le fait connaître du plus grand nombre. « Hey Joe » sort en 45 tours, c’est un succès immédiat. Une première grande tournée est effectuée jusqu’au début de 1967, année qui voit la sortie du premier album « Are You Experienced ». C’est un Chef d’œuvre incontesté et incontestable. Il ouvre des portes vers des mondes inconnus, les notes jouées par Hendrix viennent d’autres planètes, personne n’a jamais rien entendu de tel. Jimi se sert de nombreuses pédales d’effet, et triture le son des cordes de sa Fender comme personne avant lui. D’un seul coup, le « Disraeli Gears » des Cream

semble même académique. Quelque chose a changé dans le monde de la Musique, un extra terrestre est arrivé dans notre monde. En juin 1967, l’Experience s’envole pour les États Unis, pour participer au Festival de Monterey. Parrainé par Brian Jones, premier guitariste des Rolling Stones et Paul McCartney, le reste appartient à l’histoire, Jimi passe après les Who qui cassent guitare et batterie à la fin de leur set. Pour clôturer son passage sur scène en beauté, et marquer les esprits, Jimi doit faire encore plus fort. Il décide donc de sacrifier sa guitare, et d’y mettre le feu.

L’Amérique est conquise par ce jeune homme un peu fou, qui fait de la musique comme personne. le 33 tours « Are You Experienced? » entre dans les Charts US, pour cent six semaines consécutives, et atteint la cinquième place. Tournées et enregistrements se succèdent, et le 1er décembre 1967 sort en Europe, le deuxième album de l’Experience « Axis: Bold As Love » quelques mois seulement après le premier album. La complexité technique du disque, fait que peu de morceaux seront joués en public. Seuls le sublime « Little Wing » et « Spanish Castle Magic » trouvent leur place en concerts. Je vous engage à consulter l’article que j’ai consacré à cet album.

L’année 1967 s’achève donc en beauté pour le groupe, il a donné deux cent cinquante cinq concerts et sorti deux albums. L’année qui vient, s’annonce chargée, pour y faire face, le groupe ne se déplace plus sans une mallette remplie de drogues diverses et variées, amphétamines, speed, somnifères. Des tensions voient le jour, Noël Redding se sent mis en retrait, et ses relations avec Jimi se dégradent. Nouvelle tournée américaine avec Soft Machine en première partie, et retour en studio à New York. Jimi y passe la majeure partie de son temps, les journées il enregistre, la nuit il joue dans des boîtes du quartier. C’est à partir de ce moment que la formule du trio lui semble trop restrictive.

Le troisième album, voit ainsi la participation de plusieurs invités de marque. Buddy Miles, Stevie Winwood, Jack Cassidy, Dave Mason, Chris Wood, Al Kooper. Durant une jam session, Jimi rencontre deux anciens musiciens de Miles Davis, John McLaughlin et Dave Holland, il se sent attiré par cette nouvelle musique de Jazz. La consommation de Jimi en LSD devient inquiétante. Parallèlement, son perfectionnisme le pousse à rester des plusieurs heures sur le mixage d’un morceau. Il n’est jamais satisfait des résultats obtenus. C’est en septembre 1968 que sort le double album « Electric Ladyland », au plus fort de la guerre du Vietnam,

cinq mois après l’assassinat de Martin Luther King. Le disque est un nouveau chef d’œuvre à mettre au crédit d’Hendrix. Une fois de plus, Jimi nous entraîne vers des mondes nouveaux et inconnus. 1968 est une année spéciale, les tournées s’enchainent, et Hendrix est fatigué. Alors qu’auparavant les concerts étaient ce qu’il préférait faire, en cette année 68, il a l’impression de tourner en rond. Tous les soirs, c’est le même rôle, les mêmes gestes, il se parodie lui même, et il ne le supporte plus, il pense perdre sa spontanéité, être devenue une marionnette dont un autre tire les ficelles pour le faire vivre.

Pourtant, c’est toute une série de concerts fabuleux, que donne l’Experience, les 10, 11 et 12 Octobre 1968 au Winterland Ballroom de San Francisco, Californie. Six concerts, à raison de deux concerts par jour. Publié pour la première fois en 1987 par le producteur Alan Douglas, qui possédait les droits d’édition discographique d’Hendrix de 1975 à 1995. L’album introuvable depuis belle lurette est ressorti en coffret, en 2011, contenant cinq cd, il donne un magnifique aperçu de ces mémorables concerts. Heureusement durant ces shows, Jimi a retrouvé tout son plaisir de jouer, de partager avec son public. La dimension prise par les morceaux est vertigineuse. 

Quelques invités montent sur scène, et partagent ces moments fous de plaisirs intenses. Jack Cassidy, célèbre et Ô combien génial bassiste du Jefferson Airplane, remplace Redding le premier soir, lui permettant ainsi de prendre une guitare, Herbie Rich, organiste de Buddy Miles joue le second soir sur une partie des chansons. Le cd dont je vais vous parler, est une sorte de « best of » des six concerts donnés par l’Experience. Une courte introduction, sur « A Whiter Shade Of Pale » et on passe aux choses sérieuses, après la présentation des trois musiciens.

« Fire » explose comme un bâton de dynamite, du hard rock’n’roll, court et mordant. Le chorus d’Hendrix est ramassé, brut,

violent et beau à la fois. Chaque note est assumée et indispensable.

Le jeu des trois musiciens est agressif, et ça attaque très fort. Le son de ce concert est superbe, clair, tous les instruments sont bien détourés. C’est génial. « Manic Depression » est un véritable rouleau compresseur et écrase tout sur son passage, c’est violent, décoiffant, impressionnant. Le solo d’Hendrix vient d’ailleurs, de très loin,

c’est fou, on est bien loin de Clapton qui parait bien sage en comparaison, face à ce que l’on entend ici. Pour présenter le morceau suivant, « Sunshine Of Your Love », Hendrix annonce qu’ils vont faire un morceau des Cream, et qu’il espère  le jouer mieux qu’eux, de toute façon ils vont le faire à leur manière en instrumental jam.

Hendrix raconte ensuite deux trois conneries, avant de commencer. Effectivement « Sunshine » est joué de façon instrumentale, ce qui permet à Hendrix de partir très rapidement en solo.

Le morceau se brise sous ses doigts, il le tord dans tous les sens, jouant avec les brisures, les recassant de nouveau, Hendrix s’approprie « Sunshine » et en fait un titre de l’Expérience, il le réinvente en quelque chose d’autre, avant de finalement retomber sur ses pieds en reprenant le thème original, suivi de très belle manière par Noël et Mitch, qui suivent les délires du maître avec fougue et passion. « Spanish Castle Magic » fonce également tête baissée vers on ne sait quoi, vers un chorus d’une grande sauvagerie.

Le travail de Mitch Mitchell aux drums est vraiment très impressionnant, que ce soit sur les toms ou les cymbales, il remplit le son, l’espace de multiples vibrations. Noël Redding joue ses lignes de basse avec l’assurance d’un métronome. La guitare d’Hendrix dans son solo, se promène sur des chemins escarpés, connus uniquement de lui seul. Lui seul possède la clef de ces mondes magiques.

Premier moment de calme et de douceur « Red House » résonne comme une bénédiction dans une vallée de larmes. Ce morceau est magique, le Blues d’Hendrix éclate dans une myriades de couleurs fantastiques. La guitare nous prend par la main pour un chorus

enchanté comme un rêve d’enfant, elle parle à notre cœur, à notre âme. Cette guitare est une baguette magique, et derrière Mitch frappe ses peaux pour accompagner le Sorcier dans ses escapades. Cette version de « Red House » est véritablement extraordinaire, elle nous transporte plus de onze minutes durant, dans l’esprit d’un magicien de la six cordes, d’un sorcier des sons. « Killing Floor » fait parti de ces

morceaux rares, qui ne sont pas joués à tous les concerts, de par ce fait, on ne peut que les apprécier. Et Dieu sait que « Killing Floor » est une tuerie.

Un feu d’artifices savamment contrôlé par Hendrix qui en déclenche les fusées. Cette guitare sauvage est hallucinante, à chaque nouveaux morceaux, elle arrive à nous surprendre, à nous étonner, à déclencher en nous des frissons de bonheur, des cris de plaisir, des moments d’extases. « Tax Free » le tempo est lourd, la chaleur est écrasante, traité en jam, la guitare se balade, le tempo s’accélère pour retomber de plus belle.

L’improvisation est géniale, de digressions en voyages sidéral, d’explorations en mission de reconnaissance, Hendrix nous conduit où personne avant lui n’est allé, ses mondes sont vierges, et leur beauté est sidérante. Ce morceau est un voyage aux confins de l’infini. Pour moi, « Tax Free » est une des plus belles perles de cet album, un pur chef d’œuvre, neuf minutes de pure beauté musicale. Grâce à ce titre, l’album devient obligatoire, indispensable, vital, nécessaire, inoubliable.

« Foxy Lady » est joué sur la corde raide, proche de l’explosion. Puissance brutale et feeling mélangés dans un déchaînement sismique,

portés par une guitare en ébullition, à la recherche de l’extrême, de l’inouï, de l’impossible. « Hey Joe » impossible de reconnaitre le titre avec cet intro qui fausse les dés, on s’attend à tous, mais pas à ce morceau. Il faut attendre l’exposition pour le nommer,

et la version ne laisse pas indifférent, c’est un mur sonore qui se dresse, et le chorus vient en percer la surface. Magnifique. Chaque morceau est magnifié par l’interprétation des trois musiciens, qui en transcendent l’écriture.

« Purple Haze » morceau phare de l’Experience, de Jimi Hendrix, il est joué ici sur un tempo un peu plus rapide, qui lui va très bien,

lui qui vient d’un autre univers, d’une autre dimension. Après une fausse fin dantesque, le titre s’enchaîne à un « Wild Thing » lourd et lent, tel un géant martelant de ses pas le sol de la route.

Le groupe a donné tout ce qu’il avait, il a joué comme si demain n’existait pas. Les concerts du Winterland ont laissé une trace indélébile dans l’âme, dans les yeux, dans la tête de ceux qui ont eu la chance d’y assister. Hendrix y a retrouver une nouvelle jeunesse, un nouveau plaisir à jouer sa musique, lui qui depuis le début de l’année ne prenait plus aucun plaisir à faire des concerts, lui qui pensait trahir son public en répétant tous les soirs les mêmes choses.

Winterland a été comme une piqure de rappel. « Electric Ladyland » sonne le glas de l’Experience. À la grande joie de JimiNoël Redding quitte le groupe, pour former le sien propre « Fat Mattress ». Il appelle à la rescousse son copain de régiment, Billy Cox. C’est avec de nouveaux musiciens que Jimi Hendrix monte sur la scène du Festival de Woodstock, le 18 août 1969, outre Cox et Mitchell, il a engagé Jerry Velez, Juma Sultan et Larry Lee. Ce nouveau groupe prend le nom de « Gypsys, Sun and Rainbows ». Sa prestation marquera les mémoires. Tout le monde se souvient de son adaptation du « Star Spangled Banner » avec ces explosions, ses missiles, cette furie diabolique qui se dégage du morceau. Mais ça, c’est encore une autre histoire…

 

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